• Les chansons d’amour, de Christophe Honoré (France, 2007)

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Où ?
Au cinéma Les 5 Caumartin (mais dans 2 salles différentes, le film ayant été « promu » au cours du week-end)

Quand ?

2 fois à 4 jours d’intervalle, à la séance de 22h à chaque fois

Avec qui ?

D’abord seul, puis avec ma chérie et une dizaine d’autres spectateurs à chaque fois (mais pas les mêmes, eux)

Et alors… ?

Dans les scènes réjouissantes de Dans Paris où il suivait Louis Garrel dans sa folle course vers les vitrines du Bon Marché, Christophe Honoré prenait la tangente parrapport au carcan auteuriste qui plombait ses premiers films. À peine six mois plus tard, l’arrondissement a changé (nous voilà maintenant dans le Xè, entre Bastille et Gare de l’Est) mais Garrel est toujours là, en séducteur délicieusement inconstant et déphasé – Honoré aurait-il trouvé là son alter ego, son Jean-Pierre Léaud à lui ? – et autour de lui l’élan qui porte Les chansons d’amour reste le même, rendant le film ardent comme un coup de foudre et bouleversant comme une rupture injuste.

Comme son titre l’indique, Les chansons d’amour est une comédie musicale. Cela n’a rien d’un caprice stylistique de cinéaste, simplement les mélodies prennent le relais lorsque les mots ne suffisent plus dans l’exaltation comme dans la peine. Les compositions pop d’Alex Beaupin sont rythmées et finement ciselées, et la troupe d’acteurs vient poser par-dessus ses voix fermes, traînantes ou mutines avec naturel. Ils et elles chantent un amour protéiforme, envers des êtres humains ou des villes (Paris est filmée avec une passion débordante), envers sa famille ou ses partenaires sexuels, et qui peut se vivre en étant à deux ou à trois, hétéro(s) ou homo(s) – on peut même changer d’avis en cours de route.

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La situation de départ est un ménage à trois brinquebalant, sensuel et rieur entre Julie / Ludivine Sagnier, Ismaël / Louis Garrel et Alice / Clothilde Hesme (quelques adjectifs en vrac pour eux trois, et les autres : beaux, vibrants, complexes, enthousiastes). Ils inventent leurs propres règles et y gagnent une liberté seule à même de dépasser les mesquineries individuelles, de couper le sifflet de la routine et d’offrir des instants hilarants comme celui où Julie explique en toute franchise à sa mère où en est sa vie de couple / trio. En échange de cette liberté, ils acceptent un état d’équilibre instable (qui se retrouve dans la mise en scène d’Honoré, lequel combine avec brio des plans très travaillés et une ouverture totale au monde qui l’entoure). Cette vulnérabilité assumée est finalement la seule attitude raisonnable face à une mort qui peut frapper à tout moment et qui force de toute manière les survivants à se réinventer ou à dépérir à leur tour.

La mort – au tiers du film – est ici tellement abrupte qu’il n’est pas interdit d’y voir autre chose qu’un accélérateur de scénario : la traduction physique d’une menace qui rode. Au-delà du schéma immortel de la comédie musicale (je t’aime, je chante ; tu disparais, je chante ; l’amour renaît, je chante) qu’il adopte avec succès, Les chansons d’amour fait en effet résonner en sourdine une peur rampante, prémonitoire à l’époque du tournage, envers un homme devenu depuis président de la république. Cité explicitement à deux reprises – dont une apparition impromptue dans une scène de poursuite qui se transforme en joli coup de cinéma –, Sarkozy est surtout présent à travers la chape d’inquiétude que ses
convictions font peser sur le monde métissé, où la culture joue un plus grand rôle que l’argent et où la place de chacun n’est pas déterminée une fois pour toutes à la naissance, qui vit à l’écran. C’est pour cela qu’il faut continuer à rire au milieu des larmes, à aimer sans contraintes et à chanter en pleine rue : le meilleur moyen de protéger sa liberté est de l’affirmer à corps et à cris. Par exemple, en réalisant une comédie musicale non seulement déchirante et enivrante mais qui est également un grand film politique.

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