- Accueil
- Dans les salles
- Cinéastes
- Pas morts
- Vivants
- Abdellatif Kechiche
- Arnaud Desplechin
- Brian de Palma
- Christophe Honoré
- Christopher Nolan
- Clint Eastwood
- Coen brothers
- Darren Aronofsky
- David Fincher
- David Lynch
- Francis Ford Coppola
- Gaspar Noé
- James Gray
- Johnnie To
- Manoel de Oliveira
- Martin Scorsese
- Michael Mann
- Olivier Assayas
- Paul Thomas Anderson
- Paul Verhoeven
- Quentin Tarantino
- Ridley Scott
- Robert Zemeckis
- Roman Polanski
- Steven Spielberg
- Tim Burton
- USA
- France
- Et ailleurs...
- Genre !
- A la maison
- Mais aussi
- RSS >>
- Les 3 royaumes, de John Woo (Chine, 2008)
Je like cet article sur les réseaux sociaux de l'internet!
Où ?
Au ciné-cité les Halles, dans une petite salle
Quand ?
Mardi soir, à 22h
Avec qui ?
Seul
Et alors ?
Le style de John Woo peut être résumé en un plan, symptomatique de ce qui le rend génial aux yeux de ses admirateurs et risible pour ceux qui le dénigrent. C’est un plan de Mission :
impossible 2, où l’on voit Tom Cruise, d’un coup de pied dans le sable, propulser à hauteur de sa main un pistolet enfoui dont il peut ainsi se saisir pour sortir vainqueur d’un de ces
gunfights chers au cinéaste. Le sacrifice complet du réalisme, le choix déterminé du grandiloquent car son résultat devant la caméra de Woo est infiniment plus fort : tout est là.
Et les 2h20 de la version internationale des 3 royaumes (la version chinoise dure le double ! à voir, peut-être, un jour) ne dérogent pas le moins du monde à ce credo
personnel. Que Woo soit à ce point parvenu à rester lui-même dans ce projet titanesque et a priori hautement codifié est la bonne nouvelle majeure du film.
Depuis sa lointaine dernière expérience dans le film d’aventures et d’arts martiaux médiéval chinois (La dernière chevalerie, 1978, son premier long-métrage en tant que
réalisateur), le genre a en effet été remodelé de façon radicale par l’apparition des effets numériques – le logiciel Massive, qui permet depuis Le seigneur des Anneaux
de simuler des mouvements et des batailles de soldats en nombre infini – et par le choix fait par la Chine d’utiliser le cinéma, entre autres médiums, pour porter haut le message de sa grandeur
nationaliste, à l’intérieur comme à l’extérieur de ses frontières. Le cas extrême étant Hero, merveille plastique rendue insupportable par son script en forme de tract à la gloire
du parti unique. Le double tour de force de Woo est d’être parvenu à rester complètement à l’écart de ce sous-texte propagandiste, et d’avoir su borner les images de synthèse au rang d’outil. Les
immenses plans d’ensemble et autres survols d’armées composées de milliers d’hommes et de flottes s’étirant sur des kilomètres de fleuve ne sont à aucun moment des 3 royaumes une
fin en soi, une attraction de fête foraine ; ils répondent toujours à une vision – inspirée – de cinéma, et s’accompagnent d’ailleurs souvent d’un mouvement élaboré de « caméra »
virtuelle, ou d’une transition initiale ou finale vers un plan très rapproché sur le personnage ou l’élément-clé de la scène.
En somme, Woo s’amuse avec ce nouvel outil mis à sa disposition, comme a pu le faire un Spielberg avant lui. Plus généralement, il s’amuse avec tout l’éventail de possibilités formelles et de
situations qu’un film d’une telle ampleur lui offre. Après son expérience américaine mi-figue mi-raisin, le réalisateur semble au sommet de son talent, et empli d’une telle assurance qu’il plie
toutes les composantes du projet à son désir, à ses visions de cinéma. Dans la lignée de ses plus grands accomplissements (A toute épreuve à Hong Kong, Volte/face
à Hollywood), les personnages principaux sont des surhommes, dont les capacités intellectuelles – prédire le climat, anticiper la stratégie à double fond de l’ennemi – et physiques – des sauts
qui se transforment en vols, une résistance qui les rend invincibles aux attaques des soldats de base – servent de base à des réalisations cinématographiques magistrales, du grand spectacle
virtuose. Même les éléments naturels, vent, brouillard, feu, sont des armes entre les mains de ces personnages démiurges, filmés par un cinéaste qui l’est tout autant. Leur utilisation comme
moteur de la plupart des séquences d’action du film fournit à Woo une succession de défis narratifs et visuels qu’il concrétise à son avantage, en autant de « niveaux » toujours plus
flamboyants, toujours plus prolifiques, semblables à ceux d’un jeu vidéo (la parenté a toujours été très forte entre ce médium et l’œuvre de Woo).
En ramenant tout ce qui les entoure au rang de décorum, de prétexte à l’affrontement de ces héros, Woo parvient à resserrer Les 3 royaumes sur l’intime, le microscopique plutôt
que le macroscopique. De montages alternés entre les conseils de guerre des deux camps rivaux en zooms sur un choc, un impact au cœur d’une immense bataille, il construit plan après plan un film homérique et emballant qui ne sert d’autre but que sa propre perfection. Et
quels plans : Woo est l’un des seuls, avec son compatriote Tsui Hark, à posséder une maîtrise du langage du cinéma d’action telle qu’il est capable de saisir à chaque fois l’essence, et le
mouvement-clé de l’action qui donnent à celle-ci tout son sens, et la rendent parfaitement limpide aux yeux du spectateur et fluides dans la continuité du montage. Monter un film de Woo, et
celui-ci en particulier, doit être un bonheur sans nuages. Tout comme l’est le fait de le regarder, et cela qu’il dure 1h10, 2h20 ou 4h40 ; tant chaque instant est porteur du même souffle
épique, spectaculaire.