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- Le classique du jour : Lola Montès, de Max Ophüls (France-Allemagne, 1955)
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Où ?
Au Reflet Médicis, où le film est ressorti en version restaurée
Quand ?
Mardi après-midi
Avec qui ?
Mon compère de films de festivals
Et alors ?
Démarrer l’œuvre d’un cinéaste – qui plus est classique – par son dernier film n’est sans doute pas le meilleur moyen de s’y prendre. Il me faudra donc revenir sur Lola Montès au
travers des autres films de Max Ophüls que je verrai par la suite, à commencer par Madame de… dans quelques jours en ouverture du cycle Danielle Darrieux à la cinémathèque. Pris
seul, Lola Montès est d’ors et déjà un film-monstre, un lointain ancêtre d’Apocalypse now qui vise à englober tout à la fois le cinéma dans toute sa majesté formelle, la critique
immédiate des finalités et répercussions de cet art, et des questionnements plus profonds sur la mentalité et l’affect de notre société contemporaine.
L’équivalent du voyage en bateau de Willard à travers les champs de bataille du Vietnam est ici le récit de la vie de Lola Montès, fille de bonne famille devenue danseuse, puis courtisane, et
enfin numéro de cirque à elle seule. Les flashbacks successifs qui nous présentent différentes étapes de son existence nous sont en effet introduits par le biais du spectacle de cirque construit
autour de la personnalité de Lola, son sex-appeal autant que sa réputation de scandaleuse – ce qui fait d’elle la devancière fictive de nos Britney Spears et Paris Hilton. Comme elles, Lola
attire et révulse simultanément les « braves gens », qui viennent autant pour voir l’héroïne mise à terre (son plongeon dans le vide qui constitue le clou du spectacle) que pour combler
leur désir d’être séduits par elle – le film se clôt sur un glaçant travelling arrière couvrant l’étendue de la file des spectateurs venant, après la séance, toucher pour un dollar une Lola
Montès enfermée dans une cage.
En faisant du cirque le lieu central du récit (au détriment des flashbacks les moins percutants, qui peuvent devenir fastidieux), Ophüls applique sciemment la même duplicité au film que celle que
le public inflige inconsciemment à Lola. Le spectacle offert est à la fois magnifique – décors immenses, costumes sublimes, technicolor flamboyant – et inquiétant : le cadre allongé et grisant du
format cinemascope se retrouve plus d’une fois brutalement réduit dans sa largeur par des caches noirs pour enfermer Lola ; les accoutrements et comportements des assistants du cirque sont
générateurs de malaise plus que de divertissement. Omnisciente et omnipotente, la caméra peut tout autant provoquer l’ébahissement du spectateur, par certains mouvements verticaux et/ou
horizontaux ne semblant avoir aucune limite, qu’aller pointer des points de détail d’une scène, confidences ou regards en biais qui brisent la perfection illusoire (le gros plan sur Lola se
murmurant pour elle-même « ça va aller » en ouverture et en clôture du spectacle en est le plus bel exemple).
La structure sophistiquée du scénario présente la même ambiguïté. Ses va et vient dans le temps et la géographie convoquent des références aussi prestigieuses que le destin de Marie-Antoinette ou
de Citizen Kane (les deux films ont beaucoup de points communs ; Lola Montès ou le chaînon manquant entre Citizen Kane et Apocalypse
now ?). Dans le même temps, et alors qu’elle de tous les plans, de toutes les conversations, le personnage de Lola Montès n’existe pas à proprement parler. Elle ne
« sédimente » pas – un peu comme Kane reste pour l’éternité une énigme. Mais ce qui est assumé chez Welles reste tu par Ophüls : il n’est jamais dit ou expliqué que le film se fait
malgré son héroïne, qu’elle n’en est pas l’horizon mais la ligne de fuite. Lola Montès est dès lors tout le contraire d’un film aimable, facile. Sa misanthropie, son dédain envers
la société du spectacle (notre société du spectacle) et les pulsions destructrices qu’elle recèle prédominent face à l’amour du cinéma ; un rapport de force inverse de celui présent dans
Citizen Kane et Apocalypse now.