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- La vie passionnée de Vincent Van Gogh, de Vincente Minelli (USA, 1956)
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« Je donnerais dix ans de ma vie pour peindre un seul de vos tableaux ». Le compliment est flatteur, mais Vincent Van Gogh ne pourrait être plus en désaccord avec cette phrase
que lui adresse le Docteur Gachet vers la fin du film. Car la peinture n’était pas à ses yeux une finalité motivant le sacrifice d’autres composantes de l’existence, mais le seul moyen qu’il
avait trouvé pour tenter de vivre pleinement cette existence, pour lui et vis-à-vis des autres. Telle est l’interprétation que le film de Vincente Minelli fait de la vie de Van Gogh, et que son
titre original Lust for life (appesanti en français par le passage à la forme passive et l’ajout du nom du peintre) exprime clairement. Ce choix de point de vue – ce choix d’un point de
vue, déjà – détache Lust for life du commun des biopics, qui visent à une certaine perfection narrative avec un trauma originel unique, une progression bien
identifiée vers un aboutissement personnel, et un minimum d’intrigues secondaires romantiques. En respectant l’imperfection de la vie de son sujet, en faisant de son insatisfaction constante son
guide, Lust for life s’émancipe de ce cadre réducteur.
Le chemin de traverse dans lequel il s’engage est une voie quasiment documentaire. Minelli filme la vie de Van Gogh en tant que témoin objectif et sans opinion, qui en enregistre tous les
événements sans faire de tri entre ceux s’intégrant dans un parcours dramaturgique attendu et les « inutiles » ou inconséquents. Aucune connexion amoureuse ne vient par conséquent
parasiter le récit, et les seules interactions entre Van Gogh et d’autres personnes sont des rapports d’amitié (avec son frère Theo, avec Gauguin – très belle performance d’Anthony Quinn, en
aparté) montrés dans tout ce que ce genre de connexion a de complexe et de variable. Des amis osent tout se dire et camper sur leurs positions respectives, y compris si cela signifie aller au
clash lorsque l’on est autant habité par son sujet que Gauguin et Van Gogh le sont en ce qui concerne la peinture. Alors que tant de films s’en tiennent à parler d’amour, Lust for
life est lui un superbe film sur l’amitié.
La route suivie par le film a également des allures de corniche, tant elle est étroite entre les écueils qui la bordent. On le ressent les quelques fois où Lust for life
manque de trébucher et de glisser vers la simple entreprise de pédagogie artistique, sous la forme d’un diaporama de certaines des toiles les plus connues de l’artiste. Cela ne dure heureusement
jamais longtemps, et le film se remet vite sur pied en se recentrant sur l’homme et non sur son œuvre. Le seul reproche que l’on peut dès lors lui faire est de faire preuve d’un trop grand
respect à l’égard de Van Gogh. On sent nettement devant le film qu’il n’a à aucun moment été question pour Minelli – pourtant lui-même un pratiquant brillant de son art personnel :
Les ensorcelés, Gigi, Tous en scène… – d’aboutir à un résultat qui pourrait faire de l’ombre à son glorieux sujet.
L’hommage est on ne peut plus sincère, et admirable, mais il reste maîtrisé, zélé. Pour citer une autre réplique du film : « c’est beau, mais ce qu’il faut viser est le
sublime ». Minelli et Kirk Douglas, qui interprète Van Gogh, s’en tiennent au beau. Ils l’atteignent pleinement, en tirant parti d’un thème qui se prête idéalement à l’expression de
leurs talents respectifs.
Le jeu à fleur de peau, sans filet ni modération de
Douglas peut irriter au début mais il se révèle rapidement en phase avec les tourments du personnage. La mise en scène de Minelli, elle, éblouit de bout en bout. Dès les premières images – la
noirceur des mines de charbon qui recouvre tout, paysages et individus – s’imprime sur notre rétine son raffinement pictural éclatant. Loin d’être débordé par l’ampleur du format cinémascope, le
cinéaste transforme ce dernier en un canevas de peintre de grand format et donne aux scènes de vie saisies dans ce cadre une beauté approchant celle des toiles de Van Gogh. L’harmonie des teintes
colorées des plans larges est une splendeur, de jour comme de nuit. Quand dans le dernier acte Minelli couple à cette ferveur visuelle son équivalent musical, en donnant de plus en plus de place
sur la bande-son aux compositions de Miklos Rozsa, Lust for life devient un opéra déchaîné : Kirk Douglas / Vincent Van Gogh peint, Minelli a sa caméra rivée sur
lui, l’orchestre de Rozsa s’embrase. Et le tout se passe de mots.