- Accueil
- Dans les salles
- Cinéastes
- Pas morts
- Vivants
- Abdellatif Kechiche
- Arnaud Desplechin
- Brian de Palma
- Christophe Honoré
- Christopher Nolan
- Clint Eastwood
- Coen brothers
- Darren Aronofsky
- David Fincher
- David Lynch
- Francis Ford Coppola
- Gaspar Noé
- James Gray
- Johnnie To
- Manoel de Oliveira
- Martin Scorsese
- Michael Mann
- Olivier Assayas
- Paul Thomas Anderson
- Paul Verhoeven
- Quentin Tarantino
- Ridley Scott
- Robert Zemeckis
- Roman Polanski
- Steven Spielberg
- Tim Burton
- USA
- France
- Et ailleurs...
- Genre !
- A la maison
- Mais aussi
- RSS >>
- Larceny, de George Sherman (USA, 1948)
Je like cet article sur les réseaux sociaux de l'internet!
Où ?
A la Cinémathèque, dans le cadre du cycle « Perles noires »
Quand ?
Mercredi soir de la semaine dernière, à 21h30, après une première séance avec The web (1947, de Michael Gordon), plaisant pour ses duperies en cascade et ses dialogues savoureux mais finalement assez mineur
Avec qui ?
Seul
Et alors ?
Larceny est l’archétype du film justifiant la tenue d’un cycle consacré aux anonymes et oubliés du film noir tel que celui ayant occupé la Cinémathèque ces deux derniers mois. On a affaire ici à une série B dans la pure tradition hollywoodienne de l’époque, avec l’implication devant et derrière la caméra de piliers de studio aux carrières particulièrement denses, mais qui n’ont jamais eu leur percée définitive vers les sommets du star system et la renommée impérissable. Shelley Winters a touché cela du doigt – on l’a tout de même vue dans La nuit du chasseur et Lolita, entre autres. Elle et les autres acteurs rassemblés dans Larceny, John Payne, Joan Caulfield, Dan Duryea, etc., forment pourtant un ensemble qui n’a rien à envier en termes de charisme et de caractère aux plus grands noms associés au genre noir. Ils donnent corps au superbe texte écrit par le scénariste William Bowers, autre stakhanoviste méconnu de cette période1. Larceny rappelle ainsi que le film noir, c’est avant tout une écriture, sur laquelle viennent ensuite se greffer le reste des éléments – la mise en scène, l’interprétation, qui le plus souvent n’impactent la qualité du film que de manière secondaire.
Le plus fondamental, c’est le script, et celui de Larceny tire pleinement parti de l’étroite fenêtre dans laquelle il a été conçu, entre la fin de la Seconde Guerre Mondiale et le début véritable de la Guerre Froide. Une fenêtre de liberté de ton et de matière, où il est permis de présenter sans ambages à l’écran des individualités et des situations séditieuses, amorales. Les figures centrales du film sont les membres d’une association de malfaiteurs qui excellent dans leur profession. Leurs arnaques au long cours sont si parfaitement pensées qu’une fois piégées leurs victimes ne peuvent ni s’en sortir ni les dénoncer. De plus, ils présentent bien, sont éduqués, s’en remettent à l’intelligence plutôt qu’à la violence. Ils sont, objectivement, remarquables. En face, leurs cibles ont bien du mal à recueillir notre sympathie : démesurément riches, essentiellement oisifs, évoluant en vase clos dans leur cocon protégé des déséquilibres du monde extérieur. En ne condamnant jamais de manière formelle l’extorsion subie par ces derniers (même l’héroïne passe autant à nos yeux pour une naïve empruntée que pour une victime avec laquelle compatir), en laissant donc ouverte la porte à l’éventualité qu’il s’accommode du vol en cours, Larceny bruisse d’une rumeur de lutte des classes. Il profite qu’en 1948 ce genre de neutralité ambivalente ne vous jetait pas directement sur la liste noire pour cause de communisme caractérisé ; de même qu’il profite qu’en cette même année l’exploitation de la sanctification des soldats tombés au front comme moteur de l’arnaque (là encore, sans réprobation nette de la part du film) n’était plus de nature à vous faire violemment condamner pour antipatriotisme.
L’adresse du récit culmine au cours du dénouement, marqué par un soudain emballement des conflits et des volte-face – Bowers usant pour cela à merveille de la présence au cœur de son intrigue d’un quatuor de personnages d’égale importance et liés les uns aux autres de diverses manières. Cette même raison donnait déjà avant cela au film un tempo des plus agréables ; au bout de la route, elle permet à Bowers de finir sur un grand écart suspendu et épatant. Certes les méchants sont arrêtés, mais c’est au prix de l’amour brisé de l’héroïne. De plus, il a fallu pour cela qu’un des membres de la bande trahisse ses acolytes, sans quoi tous s’en seraient sortis une fois de plus sans dommage.
À noter que Larceny est considéré comme l’un des meilleurs longs-métrages de George Sherman parmi les presque cent vingt (!) que compte sa filmographie. Il y est à la hauteur de l’opportunité d’avoir réunis un tel scénario et une si talentueuse troupe d’acteurs.
1 il est également l’auteur de The web, mais a surtout œuvré dans le western