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- La 3D investit le bis : Piranha 3D et Sexy dance 3D (USA, 2010), d’Alexandre Aja et de Jon Chu
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Où ?
Au ciné-cité les Halles
Quand ?
Jeudi soir pour Piranha et le samedi précédent pour Sexy dance (les deux fois à 22h30)
Avec qui ?
Seul les deux fois
Et alors ?
Vous avez entendu parler de films en 3D cet été ? Et non, pas vraiment. Les blockbusters d’action s’en sont pour la plupart passé (Twilight 3, Inception, Karaté Kid, The expendables…) et les films d’animation qui
l’incluent maintenant par défaut (Shrek 4, Toy story 3…) n’en ont pas fait un argument commercial majeur.
La principale sortie de la saison avec mise en avant du relief aura donc été la… ressortie d’Avatar dans sa
version pseudo-longue. Qui en plus, n’attire pas plus que ça les foules. La bulle de la 3D n’a pas encore éclaté ; des productions de taille comme le final en deux parties de
Harry Potter et les Tintin de Steven Spielberg et Peter Jackson sont encore à venir. Mais elle fait
indéniablement du surplace, personne n’ayant encore repris le flambeau du défricheur Avatar. Le cinéma bis en profite, en s’appropriant le procédé désormais démocratisé
et en l’employant pour ses propres produits, tels ces Sexy dance 3D et Piranha 3D sortis à deux semaines d’intervalle.
Des deux, Sexy dance est celui qui trouve le plus dans le passage à la 3D une réelle valeur ajoutée ; mais c’est aussi une occasion manquée. Le bénéfice qu’il tire
de ce lifting est en effet presque entièrement annulé par la présence toujours aussi manifeste des défauts de son prédécesseur. Entre deux battles de danse enfiévrées
Sexy dance 3D vole en rase-mottes, au niveau d’un High school musical –
conformisme moral omniprésent, domination évidente des blancs sur les autres, scénario à l’emporte-pièce, jeu d’acteurs pathétique. Les grandes comédies musicales de l’âge d’or d’Hollywood, qui
elles savaient exécuter de manière satisfaisante les à-côtés des numéros de chant ou de danse, attendent donc encore leurs dignes successeurs. Ces carences de Sexy dance
3D sont particulièrement regrettables, car les séquences de battles atteignent réellement un nouveau palier grâce à leur mise en relief. L’effet de base est très simple (il
s’agit de repousser tout ce qui ne danse pas dans la profondeur de l’arrière-plan), mais son efficacité imparable suffit à nous en mettre plein la vue. Agrémenté de jeux visuels plus tape-à-l’œil
mais employés avec discernement – projection d’eau, de particules en suspension dans l’espace entre le spectateur et l’écran – et couplé comme dans Sexy dance 2 à une
bande-son bien sentie et à un découpage limpide, cet usage de la 3D réactive notre enthousiasme pour le système. Enfin, tant que les personnages dansent au lieu de parler ou de vivre.
Pour Piranha 3D, c’est l’inverse : le film est brillant et la vision en relief ne lui apporte quasiment rien. Ce qui est au bout du compte une bonne nouvelle,
puisque cela signifie que l’on pourra le revoir ad libitum en DVD sans déplorer la perte de la 3D, ou faire la bêtise d’acheter un écran proposant ce type de projection et ses paires de
lunettes tellement sexy associées. Piranha 3D est une démonstration pas franchement volontaire – et donc d’autant plus puissante – de l’inutilité du procédé pour tout le
monde, spectateurs et réalisateur. Tant qu’il en a le temps, Alexandre Aja s’amuse certes à saupoudrer son film d’effets 3D, sciemment exagérés (on est après tout dans un cinéma de l’outrance, du
spectacle de foire) : du vomi projeté au visage du public, deux filles se baignant nues, enlacées et extraites du cadre par le relief dans une scène dont la persistance renforce la totale
gratuité… Dès le pré-générique, Aja avait de toute manière démontré sa maîtrise du relief avec la présentation du phénomène qui en tire certainement le plus profit, à savoir une barque piégée
dans un tourbillon d’eau.
Mais dès lors qu’il s’agit de passer, suivant le programme propre à tout film-carnage de série B, de la phase de mise en place à celle de déchaînement des éléments, Aja a suffisamment à faire
avec le découpage de ses intrigues parallèles, de ses plans et de ses personnages. Il délaisse donc la 3D, qui ne se fait plus remarquer que lorsqu’elle offre le moyen de prolonger une blague du
meilleur mauvais goût (un pénis arraché puis gobé et recraché par un piranha, le tout au premier plan bien sûr). Le résultat donne raison au choix du réalisateur. Les outils traditionnels du
cinéma permettent depuis des années de mettre en scène des films d’horreur diablement efficaces, et cela ne disparaît pas du jour au lendemain juste parce qu’un possible nouvel outil est
disponible. Piranha 3D est la preuve du contraire, en nous présentant le plus savoureux des carnages. La réussite d’un tel produit du cinéma bis se joue à peu de choses,
et dans le cas présent Aja fait en permanence pencher la balance du bon côté.
On n’en attendait pas moins de lui, qui a déjà montré des deux côtés de l’Atlantique – Haute tension ici, Mirrors à Hollywood – de quoi il est capable
dans le genre horrifique tant qu’on ne lui refourgue pas un scénario rance au possible (le détestable remake de La colline a des yeux). Piranha
3D n’a pas de scénario à proprement parler, tout juste une intention très bien résumée en couverture de Mad movies : «orgie, bikini, tueries ». Qu’Aja soit un
cinéaste européen « dépravé » et non un américain coincé dans ses contradictions morales fait beaucoup pour la réussite du film, puisque notre frenchie expatrié se lâche sans
vergogne sur la chair nue, dans la première moitié, avant l’attaque des piranhas, et sur la chair déchiquetée ensuite, pendant l’attaque. On retrouve avec plaisir le mauvais esprit et le goût
pour la provocation des films d’Eli Roth (Cabin fever, Hostel), que l’on retrouve d’ailleurs au nombre des caméos jubilatoires qui se succèdent devant la caméra – Richard Dreyfuss,
Christopher Lloyd, etc. Grâce à cette mentalité mal tournée, la première partie de Piranha 3D n’est pas trop plombante, et la seconde n’est pas du tout décevante ;
ni trop courte, ni trop superficielle (et même la pirouette finale, exercice toujours ardu, est un franc succès). Aja exploite comme il se doit ses différents groupes de protagonistes pour
inscrire la boucherie dans la durée, et surtout il ne lésine pas sur l’explicitation du martyr subi par chaque individu ou presque. Piranha 3D est un festival de corps
estropiés, de membres transformés en viande hachée, de peaux tombant en lambeaux, plein cadre et avec un mode opératoire sans cesse renouvelé d’une victime à la suivante.
Le jeu de massacre est jubilatoire comme rarement, et – l’un n’allant pas sans l’autre – d’une méchanceté que rien ne vient diluer. Partant de là, sous sa gratuité de façade Piranha
3D mord dans une zone sensible du cinéma de genre, qui est le film catastrophe, en exposant un monde fourni (le spring break dont les piranhas vont faire leur festin
regroupe des dizaines de gens, bien plus que ce qu’un slasher classique se propose d’éliminer) et sa dévastation intégrale (tous les personnages sont voués à mourir, en souffrant).
Invité imprévu à la table de cette confrérie, Piranha 3D en fait imploser tous les usages récents en étant le premier film catastrophe depuis les événements du 11
septembre 2001 à faire un tel étalage de violence sans être hanté par le souvenir traumatique de ce jour. Aja ramène le genre à sa pure puissance divertissante et explosive, sans arrière-pensée
ni catharsis. Chose que seul un cinéaste non-américain était probablement en mesure de faire – tout comme pasticher avec talent Titanic au cours de deux séquences qui en
reprennent des mécanismes mais isolés de toute grandeur romanesque (la montée à la verticale de la poupe du navire devient celle d’une plateforme où se déroule un concours de t-shirts
mouillés ; deux post-adolescents sans charisme remplacent les idoles Jack et Rose dans une scène où une cabine est inexorablement inondée).