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- I want to go home, d’Alain Resnais (France, 1989)
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Où ?
En vacances, en DVD zone 2 acheté dans un magasin de deuxième main
Quand ?
Fin juin
Avec qui ?
Seul
Et alors ?
C’est entendu, Alain Resnais n’en a toujours fait qu’à sa tête, du monumental L’année dernière à Marienbad (dont il faudra bien que je m’attaque à la critique un jour ou
l’autre) au petit dernier qu’est Les herbes folles. Ces deux exemples ont été
immédiatement reconnus à leur juste valeur, mais la prise de risque n’est pas toujours – heureusement ; c’est aussi ça qui en fait le charme – couronnée de succès. I want to go
home est un bon exemple d’antithèse du succès, malgré tout de même un prix du scénario au festival de Venise. I want to go home est fondamentalement un de
ces films abstraits, non-narratifs dont Resnais fait son miel ; mais il avance masqué derrière un décorum de cinéma autrement plus classique. Ce qu’on y voit au premier abord, c’est un acteur de
renom (Gérard Depardieu), une mise en scène globalement « raisonnable », sans effets spectaculaires, et un univers reproduisant de manière réaliste le Paris et plus généralement la
France de 1989. [La reproduction est peut-être même trop réaliste pour nos yeux de spectateurs des années 2000, tant cette période datant d'il y a deux décennies nous apparaît aujourd'hui
douloureusement datée et ringarde].
Mais, dans son scénario, Resnais n’a pas de point d’arrivée précis. Tout juste a-t-il un épilogue, mais ça se rattache facilement à la suite de n’importe quelle séquence, un épilogue. Tout ce que
Resnais a, et tout ce dont il ressent le besoin, c’est un point de départ aux multiples promesses, qu’il explore avec gourmandise et application. Dans I want to go home,
il s’agit de l’arrivée à Paris d’un auteur américain de comics, Joey Wellman (Adolph Green), comme invité à une exposition internationale de bande dessinée. Resnais ouvre devant ce
personnage trois pistes d’égale importance : son inadaptation totale au mode de vie français, lui qui correspond au cliché de l’américain n’ayant jamais quitté les USA et ne faisant preuve
d’aucune sorte de bonne volonté en pays étranger ; sa quête de retrouvailles avec sa fille Elsie, partie deux ans plus tôt pour écrire une thèse sur Flaubert et plus globalement pour rompre avec
ce qui est pour elle la médiocrité culturelle américaine ; et sa rencontre avec Christian Gautier (Depardieu), intellectuel et homme de culture parisien fan absolu de comics en général
et de Wellman en particulier. Comme en plus, entre autres faits de récit, le touche-à-tout Christian se trouve aussi être un spécialiste de Flaubert et donc l’idole d’Elsie, les quiproquos
comiques et les déconvenues tragiques ne vont pas tarder à s’accumuler. Un excellent et délicieux exemple du talent de Resnais pour tirer les fils de son histoire et les nouer de toutes les
manières possibles est la spirale diabolique du long deuxième acte chez Christian, qui commence en bal masqué sur le thème des comics et s’achève en bagarre générale à mesure que sont
échauffés les conflits avérés ou potentiels entre tous les protagonistes.
À travers le duo Joey – Christian, Resnais met en scène de façon transparente et touchante une sorte de fantasme personnel de rencontre avec l’un ou l’autre de ces auteurs de comics
qu’il admire tant. Admiration dont il ne fait pas mystère dans les suppléments du DVD, et que l’on retrouve à l’œuvre dans Les herbes folles, où la photographie est
toute entière guidée par le désir de reproduire le style de Will Eisner, auteur de The spirit explicitement cité à la fin de I want to go home. [Les
herbes folles et I want to go home sont deux films qui ont globalement beaucoup en commun]. Mais admiration trop marquée pour ne pas se retourner en partie
contre le cinéaste, en l’ayant rendu « trop familier » avec le domaine du comic pour se rendre compte que le public de cinéma ne l’était pas autant – c’est lui qui le
dit – ; et en lui faisant écrire des personnages secondaires bien fades autour de Joey (qu’il admire) et Christian (qu’il adore). Les femmes, en particulier, sont complètement étouffées par cette
concurrence. Elles en deviennent insupportables sans possibilité de se défendre.
I want to go home n’est donc pas entièrement satisfaisant, et c’est dommage ; car le propos qu’il cherche à dispenser mérite toutes les louanges et toutes les
attentions. Via sa défense de l’art faussement mineur du comic, Resnais expose comment le cliché de la « bonne » culture parisienne n’est que l’équivalent snob de la culture
clevelandienne (d’après la ville de province insipide et beauf d’où est originaire Joey), si sa seule conception des choses est de considérer qu’il n’existe qu’une vérité artistique unique.
Laquelle serait la grande littérature dans ce Paris-là, et la télévision ou autre médium populaire à Cleveland. À l’opposé de cela, pour le personnage de Christian comme pour Resnais (et comme
pour moi, qui suis d’accord avec eux), tout art sans exception est un grand art en puissance. Et si vérité artistique il y a, elle se trouve dans cette acceptation que toutes les formes d’art
sont en mesure de proposer des œuvres majeures. En ouvrant encore le cadre de la réflexion, la belle pensée à l’œuvre dans I want to go home est qu’il faut savoir tout
apprécier, les gens, les pays, les œuvres d’arts, pour ce qu’ils sont réellement – ce qui inclut leurs défauts, leurs carences – et non pour une quelconque image fantasmée et rigide que l’on peut
avoir d’eux.
[...] un entretien présent sur le DVD de I want to go home, Alain Resnais a cette très belle phrase que j’ai déjà citée : « un film, soit c’est [...]