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- Irréversible, de Gaspar Noé (France, 2002)
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Où ?
A la maison, en DVD
Quand ?
Fin juillet
Avec qui ?
Seul
Et alors ?
L’arrivée de Enter the void a eu pour effet collatéral de
ramener Irréversible, le précédent film de Gaspar Noé, au rang de brouillon. C’est-à-dire un assemblage de presque tous les éléments et thèmes qui font de
Enter the void la réussite trippante et aboutie qu’il est ; mais ici réalisé sans les deux ou trois clés qui font l’équilibre et la force de la structure
d’ensemble. Un exemple évident est la caméra voltigeuse et libre de contraintes, hormis celle d’opérer en plans-séquence. Ce comportement est justifié dans Enter the
void par le verrouillage du point de vue du film sur celui du personnage principal, dans son état de vivant puis d’âme errante. Dans Irréversible, il est
tout aussi virtuose – avec déjà l’appui des effets spéciaux numériques alors naissants, et justement loués par Noé dans son commentaire audio – mais par contre absolument gratuit.
Ce verrouillage a une autre conséquence appréciable, bien que plus mineure : empêcher Noé de faire n’importe quoi de ses transitions entre séquences. Dans
Irréversible c’est ici une référence pataude à 2001, l’odyssée de l’espace, là un changement d’axe très malvenu à la fin de la séquence du
viol. Pour ce second, l’absence de justification ouvre une brèche à de mauvaises justifications : voyeurisme, volonté de spectaculaire questionnable puisque ce déplacement de la caméra nous
fait voir en gros plan les brutalités qui étaient jusqu’alors filmées en maintenant une distance – la bonne distance, semblable à celle retenue par Bergman dans La source. Ce changement d’axe est véritablement la
seule fausse note d’importance au sein d’un film globalement tenu, et souvent impressionnant une fois acceptée son idée de départ tordue et un rien prétentieuse.
Celle-ci consiste à raconter à l’envers une histoire de bonheur amoureux brisé par un viol, qui débouche sur une vengeance aveugle et inutile. Irréversible commence donc
par l’accomplissement de cette vengeance, puis nous montre le cheminement qui y mène, puis le viol, et enfin des éclats de la félicité perdue. Noé maîtrise superbement l’expression formelle de
son concept. La progression de la lumière dominante depuis le rouge furieux vers le jaune radieux, et du comportement de la caméra d’un tumulte désarticulé à une quiétude réconfortante, est tout
à fait remarquable. Ainsi, Noé reconstitue par les moyens cinématographiques que sont l’image et le son le cocon protecteur qui entourait les personnages, et qui a été brisé en mille morceaux par
les événements de la nuit. Incurable optimiste (doublé d’un romantique : Irréversible et Enter the void traitent tous les deux d’amours
intenses), le cinéaste nie d’une main, par le cinéma, les tragédies qu’il prescrit de l’autre dans ses scénarios.
Irréversible ne serait pas le dixième de ce qu’il est s’il n’y avait son trio d’acteurs, lesquels sont parfaits et impliqués de bout en bout. A la force de son talent,
Albert Dupontel parvient à sortir de l’ombre du couple star Cassel-Bellucci. Qu’il tabasse à coups d’extincteur ou improvise dans le métro sur le sujet des orgasmes, il fait exister son
personnage comme un être à part entière, l’égal plutôt que le faire-valoir des rôles principaux. Lesquels font le trajet inverse, jouant le moins possible et étant le plus possible eux-mêmes, non
par manque de talent mais parce que c’est ce que le film attend d’eux. La vérité de leurs personnalités respectives (lui exubérant en toutes choses, elle plus secrète et introvertie) et de leur
fonctionnement en tant que couple est une composante essentielle d’Irréversible, car elle équilibre la balance par rapport à tous les artifices déployés par la mise en
scène. L’intégration de Cassel et Bellucci, dans la deuxième partie du film, dans un ensemble de longs plans-séquences et de situations – à une soirée, dans le métro, dans l’intimité de
l’appartement – et dialogues volontairement banals, permet à Noé de filmer quelque chose qui se rapproche grandement de la vraie vie, du quotidien authentique de personnes
« ordinairement » amoureuses. Par son épure narrative, il surpasse pour le coup son idole Stanley Kubrick dont l’utilisation du couple Cruise-Kidman dans Eyes wide
shut était bien moins convaincante. Et son Irréversible y gagne une poignée de scènes tout à fait émouvantes. Ça tombe bien : elles interviennent vers
la fin, et ce sont d’elles dont on se souvient le plus a posteriori.
[...] et haletante lorsqu’Aronofsky substitue le glauque et la panique (on se croit soudain devant Irréversible) à [...]