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- Invasion, de Oliver Hirschbiegel (USA, 2007)
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Où ?
À l’UGC Orient-Express, dans la salle juste au-dessus du RER (basses garanties, mais pas toujours au bon moment)
Quand ?
Samedi soir, à 22h
Avec qui ?
Seul, au milieu d’une vingtaine de personnes. Mon plus proche voisin a trouvé le film très drôle, et après avoir longtemps résisté je n’ai pu que l’accompagner devant la « scène
d’action » finale (j’y reviendrai).
Et alors ?
Bien que cela soit très peu évoqué, Invasion est le dernier descendant en date d’une longue lignée de films. Il s’agit en effet de la 4è adaptation sur grand écran du
roman The invasion of the bodysnatchers de Jack Finney. C’est aussi la plus ratée, et la plus inepte. Le sujet du livre – des parasites extra-terrestres prennent possession du corps
d’êtres humains pendant leur sommeil, gardent exactement l’apparence physique de leurs hôtes mais n’éprouvent pas la moindre émotion – est propice aux allégories politiques, comme l’ont exploité
tour à tour DonSiegel en 1956 (la menace communiste, mais aussi et surtout la menace opposée, celle du maccarthysme), Philip Kaufman en 1978 (en plein Vietnam, la défaite des héritiers de 68 face
au retour en force de l’ordre moral) et Abel Ferrara en 1992 (la naissance du « nouvel ordre mondial » américain – sa version se déroule d’ailleurs entièrement dans une base
militaire).
Ces 3 versions de Invasion of the bodysnatchers sont donc clairement des films contestataires… et Invasion réussit l’exploit d’inverser la donne. L’évolution
actuelle du monde en général et des États-Unis en particulier y est soutenue de façon insidieuse mais constante, sur plusieurs niveaux. Tout d’abord dans le rapport de force entre les
opposants : là où les 3 films précédents prenaient toujours soin d’exposer frontalement, dans une séquence traumatisante, la nature fondamentalement barbare du v(i)ol des corps effectué par
les aliens, Invasion ne contient que des actes de violence perpétrés par des humains résistants. Les images de synthèse sont « avantageusement » mises à
contribution pour faire passer la contamination à un stade cellulaire, bien moins traumatisant visuellement ; tandis que, dans un détournement particulièrement cynique de l’idée mise en
œuvre dans Les fils de l’homme, de nombreuses scènes contiennent en arrière-plan des journaux télévisés annonçant que l’invasion s’accompagne de la fin de tous les
conflits mettant la planète à feu et à sang ou menaçant de le faire – Irak, Darfour, Corée du Nord… Par contre, personne ne semble avoir prévenu les aliens qu’il fallait aussi trouver une idée
pour contrer le réchauffement climatique. Quoiqu’il en soit, c’est presque à regret et sur un air de « vous l’aurez voulu » que le scénario fait finalement triompher les humains
rebelles, incontrôlables et dotés de sens critique sur les envahisseurs lobotomisés et dirigés par un objectif unique de domination totale.
Comme Invasion est un film extrêmement cohérent, cette sympathie à l’égard du système en place se retrouve dans les péripéties et du scénario et de la production du
projet. Tous 2 enchaînent comme à la parade les clichés du cinéma hollywoodien le plus bassement commercial. D’un côté, le débauchage d’un réalisateur étranger dont un film choc a tapé dans l’œil
d’un producteur (ici, l’allemand Hirschbiegel après La chute), et le remontage a posteriori d’une partie du film par d’autres personnes (les frères Wachowski) ; de
l’autre, un catalogue de poncifs éculés parmi les personnages – mère divorcée, gamin surdoué et mature comme s’il avait 3 fois son âge… – et leurs aventures – charabia pseudo scientifique
auquel personne ne croit, intervention bénéfique de l’armée, et… l’immanquable poursuite en voiture, complètement risible dans le cas présent.
Sous ses atours de film rebelle, Invasion n’est rien d’autre qu’un fidèle soldat de l’ordre établi et abêtissant – un bodysnatcher comme ceux que son scénario
décrit.