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- Hommage à Ingmar Bergman n°1 : Scènes de la vie conjugale (Suède, 1973)
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Où ?
À la maison, en DVD (le zone 2 très correct édité par MK2)
Quand ?
Entre début août (juste après la mort du cinéaste) et mi-septembre
Avec qui ?
Ma fiancée
Et alors ?
Œuvre phare dans la carrière d’Ingmar Bergman, les Scènes de la vie conjugale sont peut-être également son travail le plus accessible grâce à leur durée (près de 5
heures). Celle-ci, répartie en six fois cinquante minutes, permet en effet au réalisateur de coller au plus près de la vie sans être limité par les contraintes temporelles habituelles du théâtres
ou du cinéma, qui ont pu participer à l’aura d’inaccessibilité du réalisateur. Lequel a, en somme, su employer au mieux l’opportunité que lui a offert la télévision suédoise en lui proposant ce
format de mini-série.
Scènes de la vie conjugale nous plonge dans l’intimité de Johan et Marianne, couple à la vie pleine de succès (lui est chercheur dans un laboratoire
universitaire, elle travaille comme avocate spécialisée dans les affaires familiales, et ils ont deux enfants) et sans histoires, caractéristique dont ils ne manquent pas de se vanter de façon
faussement modeste au cours de l’épisode introductif, Innocence et panique. Celui-ci les oppose successivement à une journaliste d’un hebdomadaire féminin, puis à un couple de leurs amis
qui sont l’exact opposé de Johan et Marianne : colériques, pleins de haine et de ressentiment, et restant unis pour des raisons uniquement financières. Face aux questions inoffensives de la
journaliste et à cet exemple de mariage raté, il n’est pas difficile pour les deux principaux protagonistes de se donner le beau rôle. Le deuxième épisode, L’art de cacher la poussière sous
les meubles, lance véritablement les hostilités en présentant la vie quotidienne de Johan et Marianne, entre travail, relations avec les familles, loisirs et premières bisbilles. Celles-ci
sont pour le moment vite étouffées, mais la dégradation du couple est inévitable.
À partir du moment où Johan quitte Marianne dans le 3è épisode, Paula (du nom de sa maîtresse), les Scènes de la vie conjugale bifurquent de leur voie de
départ pour devenir le récit inattendu et brillant d’une libération – d’une renaissance. Passée la meurtrissure initiale de voir voler en éclats en un éclair l’œuvre de 20 ans de mariage,
Marianne va se transformer épisode après épisode en une femme indépendante, insoumise, inébranlable, et infiniment supérieure à son ex-mari. Lui reste bloqué dans tous les âges ingrats :
caprices de petit garçon, fantasmes sexuels volages d’adolescent, et même par avance aigreur de personne âgée. Elle, radieuse et sereine, assume pleinement sa féminité, sa sexualité, et devient
consciente de l’influence qu’elle peut avoir sur le monde et sur le cours de sa vie dès lors qu’elle choisit de prendre son destin en main. Sa force mentale immense éclate dans l’épisode Les
analphabètes, où les humiliations verbales puis physiques que lui fait subir Johan ne la font pas reculer d’un pouce, et trahissent son impuissance pitoyable à lui plus que toute autre
chose.
On l’aura compris, Bergman choisit le camp de la femme. Mais pas simplement par amour ou désir ; parce qu’il la respecte, aussi franchement qu’il méprise la bassesse de l’homme qui lui
fait face. Ce respect admiratif envers le sexe féminin s’épanouit évidemment grâce à la durée unique du projet, qui permet de filmer la vie « en temps réel », via de longues scènes de dialogues
(l’épisode Les analphabètes pousse la technique jusqu’à n’être constitué que d’une scène) portées par un sens inouï du détail et du plan à l’efficacité foudroyante. Tout dans la
description des rapports homme-femme sonne terriblement vrai, pour un résultat qui, trente ans après sa réalisation, reste une œuvre de référence sur ce thème. D’autant plus que la mise en scène
est elle aussi résolument moderne (l’utilisation des extérieurs) et percutante ; les cadrages – en particulier les gros plans isolant les visages, les mains –, les mouvements de caméra et
les coupes brutales sont mûrement réfléchis et participent à la progression du récit, avec parfois un humour à froid dévastateur lorsqu’il s’agit de souligner sèchement les contradictions entre
les actes et les paroles de chacun.
Après tout ce développement sur les personnages, il serait étrange de ne pas évoquer le travail des 2 comédiens Liv Ullmann et Erland Josephson. Habitués des films de Bergman (plus de 10
collaborations chacun avec Bergman), tous deux sont au diapason des ambitions et des pratiques du réalisateur et offrent le meilleur de leur talent d’acteurs. Leur relation de confiance absolue
avec Bergman se sent dans leur manière de se livrer sans retenue, afin de donner vie à des individus complexes, fragiles et imparfaits.
Quelques mots enfin sur l’épilogue de l’œuvre, la dernière scène du 6è épisode. Bergman aurait tout à fait pu conclure sur la longue séquence précédente, qui parachève la libération de
Marianne. Mais il a rajouté une scène sublime – la plus belle de toutes –, un instant suspendu dans le temps où l’amour véritable surgit, enfin. En plus d’être magistrale par les nombreuses
interprétations qu’elle peut avoir (est-ce une trêve offerte par Bergman à ses personnages après toutes ces épreuves ? un rêve ? ou bien tout ce qui précédait était-il au contraire le
cauchemar dont Marianne se réveille soudain ?), cette courte scène est l’une des plus poignantes représentations du sentiment amoureux au cinéma. Comme si après 5 heures de tourments, le
cinéaste avait enfin trouvé la recette, si simple et si belle :
En pleine nuit,
Dans une maison obscure, quelque part sur Terre,
Je te tiens dans mes bras.
Et tu es dans mes bras.
Que voilà un beau texte sur ce beau film.
Je viens de découvrir ce blog par un heureux hasard. Et je suis enchantée d’en parcourir les pages et de découvrir un blogger qui prend plaisir devant du Bergman aussi bien que devant du Demy (je
me retrouve totalement dans ces deux penchants là) et qui se délecte devant un petit Wilder de temps à autre.
Hop, je mets de ce pas ce blog dans mes favoris.
Bravo pour toutes vos critiques et bonne continuation!
Et bien que répondre, sinon merci pour ce commentaire ! Et bonne lecture