- Accueil
- Dans les salles
- Cinéastes
- Pas morts
- Vivants
- Abdellatif Kechiche
- Arnaud Desplechin
- Brian de Palma
- Christophe Honoré
- Christopher Nolan
- Clint Eastwood
- Coen brothers
- Darren Aronofsky
- David Fincher
- David Lynch
- Francis Ford Coppola
- Gaspar Noé
- James Gray
- Johnnie To
- Manoel de Oliveira
- Martin Scorsese
- Michael Mann
- Olivier Assayas
- Paul Thomas Anderson
- Paul Verhoeven
- Quentin Tarantino
- Ridley Scott
- Robert Zemeckis
- Roman Polanski
- Steven Spielberg
- Tim Burton
- USA
- France
- Et ailleurs...
- Genre !
- A la maison
- Mais aussi
- RSS >>
- Harry Potter et les reliques de la mort, 1ère partie, de David Yates (USA-Angleterre, 2010)
Je like cet article sur les réseaux sociaux de l'internet!
Où ?
Au Max Linder, bien clairsemé (difficile dans ces conditions de concevoir que le film était dans une première semaine à 2,3 millions de spectateurs)
Quand ?
Mardi soir
Avec qui ?
MaFemme
Et alors ?
Ça se confirme : les films où Harry Potter est en jeans et non en robe d’apprenti sorcier sont les meilleurs épisodes de la série. Même s’il ne s’agit que d’un demi-film (dont la suite et
fin sortira en juillet prochain), Harry Potter 7.1 – pour faire court – est en effet ce que l’on a vu de mieux au cinéma de la part du magicien à lunettes depuis
l’adaptation du troisième tome, Le prisonnier d’Azkaban. Les raisons des deux réussites sont cependant bien différentes, car Le prisonnier
d’Azkaban tirait sa valeur de la virtuosité formelle du réalisateur Alfonso Cuaron et des latitudes qu’il avait prises vis-à-vis du roman ; tandis que David Yates, aux
commandes de la franchise depuis le n°5 (L’ordre du
Phénix), est un humble passeur qui s’efface derrière le contenu et l’aura de l’œuvre à adapter. A juste titre d’ailleurs, puisque les rares moments dispensables de
Harry Potter 7.1 sont ceux où Yates s’essaye à faire du style : ses ralentis et ses mouvements voyants de caméra ne fonctionnent jamais aussi bien qu’ils le
devraient, et ses amorces de plans (la caméra posée sur une grue s’élève et embrasse la scène en plan large) toujours identiques et toujours pompeuses sont vite assommantes.
Ces menus détails n’empêchent pas le film d’être la meilleure adaptation possible du (demi-)pavé de J.K. Rowling, à l’incroyable densité de personnages, d’événements, d’enjeux. La purge mièvre et
insipide que représentait le n°6, Le Prince de
sang-mêlé, reste heureusement sans suite et c’est avec la noirceur sans issue et le rythme insensé du n°5 que Yates renoue pour mener ici son affaire de chapitre en
chapitre. Commençons par le rythme : tout est balayé à une telle vitesse que ceux qui n’ont pas lu le livre seront immanquablement perdus, et même ceux qui l’ont lu mais qui ne s’en
souviennent pas sur le bout des doigts se retrouveront à maintes reprises à comprendre les fondements d’une scène seulement une fois celle-ci achevée. Cela ne signifie pas que les premiers comme
les seconds passeront un moment frustrant. On sent que les personnages savent tout à fait de quoi il retourne, qu’il en est de même pour les créateurs du film, et on prend donc plaisir à se
placer dans leur sillage à tous et à profiter du pouvoir accrocheur et grisant de leur hâte. Il y a du Mulholland Drive dans cet Harry Potter,
dont les articulations de l’intrigue (le mécanisme des Horcruxes, la terreur totalitaire qui accompagne le règne de Voldemort…) sont réduites à des signes sibyllins. Il n’est pas
nécessaire d’en saisir la teneur, et y parvenir fait l’effet d’un bonus – dans un paysage cinématographique où les blockbusters sont de plus en plus obsédés par l’idée que même le
dernier des idiots comprenne tout sans fournir le moindre effort, ce choix de privilégier les sensations plutôt que les raisons est tout à fait bienvenu.
Noirceur, ensuite. Détresse, même, éprouvée par le trio de héros devant la tâche immense qui leur incombe et ce dès le pré-générique, angoissant montage parallèle d’une même épreuve – l’isolement
forcé vis-à-vis de sa propre famille : Harry livré à lui-même dans la maison de son oncle, Ron physiquement à l’écart de la chaleur de la sienne, et Hermione s’effaçant de la mémoire de ses
parents – et annonce parfaite du ton qui sera celui du film tout entier. Cette combinaison de la solitude et de l’impuissance des trois personnages trouve son paroxysme dans leur longue errance à
travers des zones inhabitées, à se demander quelle pourrait bien être leur prochaine action. C’est à La route que l’on se surprend alors à penser. Les héros sont les
seuls porteurs d’un espoir pour l’humanité, mais sont dans le même temps si fragiles physiquement et moralement qu’ils doivent déjà mener une lutte intense rien que pour préserver en eux-mêmes ce
mince espoir. Harry Potter 7.1 mérite des éloges pour avoir pris le temps de développer si largement cette partie peu spectaculaire en surface, mais réellement
saisissante. Cela se fait peut-être au détriment de la violence d’autres parties du récit – telle l’inquisition menée par Dolores Umbridge –, elles-mêmes moins approfondies et donc moins
sinistres ; mais ça en vaut tout à fait la peine.
La rudesse du film et sa vitesse contrainte sont d’inattendues alliées sur plusieurs points majeurs. L’exigence de survie à tout prix que Harry doit respecter le conduit à une stratégie de fuite.
Laquelle a pour effet l’escamotage des scènes d’action – car qui dit action dit danger – et l’abandon à leur propre sort des seconds rôles soutiens inconditionnels des héros. Leur vulnérabilité
nous prend à la gorge dans ces instants de panique et dans le surplace qui y fait suite (chaque téléportation conduit à un lieu inconnu qu’il faut identifier et sécuriser avant de pouvoir faire
quoi que ce soit d’autre) ; là encore Harry Potter 7.1 se situe à l’opposé du credo hollywoodien voulant que le héros n’hésite jamais à mettre sa vie en danger pour
sauver celle d’autrui. Dans ce cas c’est l’angoisse qui nourrit l’urgence, en empêchant le film de se complaire dans de vaines démonstrations de maîtrise des images de synthèse. L’inverse,
l’urgence entretenant la tristesse, est encore plus présent. Fondamentalement, le film est en effet une métaphore de ce qu’est la fin de l’enfance et l’entrée dans l’âge adulte, avec tout ce que
cela comporte de terrifiant et de difficile. Le temps étant compté et interdisant de s’attarder trop lourdement sur cet aspect, celui-ci intervient en filigrane ; il passe par des
sensations, des émotions et non des discours. Oui, tout à fait, je viens d’écrire qu’un des films Harry Potter charriait des émotions. Harry Potter
7.1 est le premier à ne pas être uniquement une lecture en accéléré, plus ou moins talentueuse mais toujours mécanique, du roman dont il est tiré. Le groupe Harry-Ron-Hermione
existe réellement, on s’intéresse à eux en tant qu’individus et pas uniquement aux aventures dont ils sont les protagonistes.
La forêt qui est à la fois un refuge et une prison pour les héros, dans la seconde moitié du film, tient un grand rôle dans cette profondeur nouvelle qui est la leur. C’est un espace symbolique,
où se déroulent « les funérailles de l’adolescence » pour reprendre la belle formule de Libération. Là, plus rien ne s’intercale entre les personnages et les tourments
qui les assaillent intérieurement – solitude à l’heure des choix, absence d’un référent (professeur, parent ou autre) dont le rôle est de vous dire quoi faire dans la vie, panique face aux
responsabilités nouvelles, peur de l’échec, peur de l’abandon… Harry, Ron et Hermione ne sont plus les gamins du début de l’aventure, ils ne sont même plus des adolescents de 17-20 ans ; ils
paraissent hors d’âge, vieillis par les épreuves et les exigences de la vie. Moins insouciants, ils n’en sont que plus émouvants. La scène apparemment futile de la danse improvisée de Harry et
Hermione sur une chanson entendue sur leur radio pirate devient ainsi la plus belle de tout le film : soudain tous deux retrouvent leur jeunesse, leur innocence. L’espace d’un instant
seulement.
Ajoutons enfin que Harry Potter 7.1 est un film en totale maîtrise formelle. La musique d’Alexandre Desplat est superbe, de même que les nombreux décors naturels
employés. L’intégration au récit d’un court-métrage animé qui est à son tour un concentré d’amertume et d’appréhension se fait le plus naturellement du monde, sans heurt. Et la cerise sur le
gâteau : cette première partie se conclut exactement à l’instant où l’on se dit « il faut que ça se termine là-dessus ». Ce qui est un signe qui ne trompe pas. Espérons que le
second volet soit aussi réussi, malgré les nuages qui planent au-dessus de lui (récit plus convenu avec ses affrontements à grand spectacle et son épilogue heureux… et la 3D, à laquelle on ne
devrait cette fois pas échapper).
100% d’accord avec cette critique.
Vivement la suite ; )
Petits Jeux