• Festival Séries Mania, saison 1, acte 1 (mercredi et jeudi)

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Où ?

Au Forum des Images

Quand ?

Mercredi après-midi, mercredi soir, jeudi après-midi, jeudi soir

Avec qui ?

MaFemme

Et alors ?

 

Au sein de la sélection éclectique, foisonnante et pointue réalisée par l’équipe du Forum des Images pour la mise sur pied de la première édition de leur festival consacré aux séries TV (festival
qui a en plus eu le bon goût de tomber pendant ma semaine de vacances), notre choix s’est porté sur quatre séances. À défaut d’avoir encore l’âge de faire Les 400 coups
comme Antoine Doinel, nous avons fait « Les 4 B » :

  • Brannon Braga, show runner de multiples versions de Star Trek, scénariste de 24 et co-créateur de Flash Forward (rencontre avec) ;

  • BeTipul (série israélienne), et son remake américain In treatment ;

  • Bored to death ;

  • Breaking Bad.

 

Brannon Braga

Si, comme on peut l’imaginer, ce genre de venue doit s’organiser suffisamment longtemps à l’avance, il est probable que les gens du festival ne pensaient alors pas que Braga aurait un pied et
demi au Pôle Emploi de Venice Beach au moment de venir à Paris. Symbole du monde perpétuellement mouvant et incertain des séries TV (pour ne pas dire de son univers impitoyâââble), le CV de Braga
était l’un des plus hype de L.A. en décembre et est aujourd’hui quasiment has been. 24, à laquelle il collaborait depuis deux ans, s’achève à la fin de
la saison en cours (la huitième) ; et Flash Forward, qu’il a co-créée avec David S. Goyer, est la cible de multiples rumeurs prédisant son non-renouvellement pour une
deuxième saison. [D'ailleurs, que les fans de cette possible étoile filante du petit écran se préparent : Braga a annoncé que la fin de la saison 1 n'était nullement écrite pour être une fin de
série, et qu'elle avait donc son lot de cliffhangers potentiellement jamais résolus].

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Braga n’est donc plus in, mais ses vingt ans de travail ininterrompu sur des séries TV en fait un conférencier de premier choix, possédant des réponses captivantes à toutes les questions
sur cet univers et ses coulisses. Méthodes de travail des équipes de scénaristes, rythmes de dingues (un script à fournir par semaine) et budgets itou (plusieurs millions de dollars par épisode,
là encore par semaine), nature des différentes contrats et statuts existants, étapes de la vie d’un projet jusqu’à sa mort toujours certaine mais plus ou moins prématurée… C’est dans une
immersion totale au cœur de cette immense industrie, sans équivalent ailleurs dans le monde, que Braga nous a entraînés une heure et demie durant.

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BeTipul / In treatment

La soirée du mercredi proposait une programmation de nature expérimentale, avec la projection en alternance d’épisodes d’une série et de son remake. BeTipul / In
treatment
suit un psychanalyste sur plusieurs semaines, avec un épisode chaque jour de la semaine : tous les lundis, c’est une même patiente qui vient lui rendre visite ; puis le
mardi c’est un autre, et ainsi de suite jusqu’au vendredi où c’est le thérapeute lui-même qui se rend chez une collègue en changeant de fauteuil. Le vertige généré par la démarche imaginée par le
festival n’est pleinement apparu qu’au moment d’entamer le cinquième épisode (du vendredi), le deuxième israélien après que le premier a ouvert le bal (le lundi), suivi par trois américains (du
mardi au jeudi). Le remake est si fidèle à l’original, du moins sur cette première semaine, qu’au bout du compte nous observons un personnage, interprété par un comédien, s’ouvrant à sa psy de
soucis que nous avons vus être vécus par un autre personnage, interprété par un autre comédien.

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Ce saisissement temporaire est la cerise sur le gâteau que constitue la série, dans quelque version qu’on la suive. La neutralité de ses fondations (deux personnages, parfois trois, assis dans un
salon et discutant en champ-contrechamp une demi-heure durant), loin d’être austère, offre à BeTipul / In treatment la latitude pour devenir un formidable observatoire
de l’humanité actuelle, de ses accidents et fêlures intimes. L’absence de toute obligation de dramaturgie immédiate permet à cette série d’accéder aux vrais drames, sans rien avoir à forcer.
C’est bien sûr à vérifier dans la suite de la série (nous allons nous y atteler très prochainement), mais BeTipul / In treatment semble avoir en main les atouts pour
réussir là où des séries plus classiques comme Six feet under restent des semi-échecs.

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Bored to death

Jeudi après-midi, LE coup de foudre. Dès son générique qui effeuille les pages d’un roman noir imaginaire, Bored to death a tout pour séduire. Le contenu des épisodes de
cette sitcom de HBO est, pour moitié, à l’avenant. Dans les pas du héros Jonathan (Jason Schwartzmann, complice de Wes Anderson et ici aussi excellent qu’à son habitude dans son style déphasé), détective privé improvisé opérant
sur les territoires de Manhattan et Brooklyn avec son exemplaire fétiche de Farewell my lovely de Raymond Chandler toujours dans la poche, nous nous embarquons avec délice dans des
mini-intrigues de roman noir qui tiennent le grand écart entre gravité de la requête, atmosphère de l’enquête et futilité de la résolution.

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Voilà pour la première moitié de Bored to death. La seconde, qui est tout aussi savoureuse, explore les vies privées de Jonathan et de deux personnages secondaires,
masculins eux aussi : son meilleur ami Ray (Zack Galifianakis) et son éditeur George (Ted Danson). Trois hommes, à différents âges et stades de la vie – célibataire, en couple, divorcé –, qui
luttent avec les restes de leur virilité sérieusement bousculée par leurs entourages féminins ; contexte que la scène où Jonathan et Ray se trouvent rejetés à l’extérieur de leur café de
rendez-vous habituel par une session de yoga post-naissance pour mamans résume à merveille et de manière hilarante. De telles séquences, qui font rire intelligemment et absurdement,
Bored to death en compte en abondance à chaque épisode. De quoi renforcer cette belle impression que la série a trouvé la formule idéale, dans une totale décontraction,
avec pour la servir un trident écriture-interprétation-réalisation de haut vol.

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Breaking bad

La fin du marathon avait lieu devant cette série précédée par un buzz conséquent – et qui attaque déjà sa troisième saison aux USA alors que chez nous, la diffusion de la première a tout
juste commencé sur l’insignifiante chaîne Orange cinémax et arrivera également bientôt (…) sur Arte. La fin des interminables transferts transatlantiques des séries n’est pas pour demain…
Quoiqu’il en soit, Breaking bad s’annonce a priori comme un Weeds au masculin. Parce que son héros est un homme : Walter, professeur de chimie gâchant son talent dans un lycée de la ville
anonyme d’Albuquerque (perdue au milieu du désert du Nouveau-Mexique) et se décidant à fabriquer et vendre de la meth(amphétamine) pour surmonter les épreuves s’abattant sur lui et sa
famille – son fils est handicapé, Walter lui-même se découvre atteint d’un cancer inopérable du poumon. Mais aussi parce que sa morphologie est boostée à la testostérone, entre violents
affrontements de dealers et scènes s’orientant volontiers vers le trash et le gore.

 

mania-8Après une phase introductive (la description de la vie
pourrie de Walter) réjouissante de méchanceté alors qu’elle aurait aisément pu tourner au pathos exaspérant, Breaking bad trébuche dans un autre piège lorsqu’elle
s’attaque à la mise en route de son récit : le format d’une série « longue », et ses nombreuses minutes à remplir à chaque épisode. La diffusion sur une chaîne du câble amplifie le
phénomène, en faisant sauter la limite des quarante minutes (imposée sur les grandes chaînes par les plages de publicité obligatoires) et en autorisant les épisodes à durer cinquante-cinq minutes
voire une heure entière. Cette liberté est un leurre et le créateur Vince Gilligan, auteur de certains des meilleurs épisodes des X-Files mais qui dirige ici sa première
série en propre, en fait les frais à ses dépends. Il a indéniablement d’excellentes idées de protagonistes, de situations (le zombie au début du deuxième épisode), de dialogues ; mais il est un
peu court dans l’écriture d’épisodes entiers d’une série centrée sur ses personnages plutôt que sur son action. Comme une drogue dure, la méchanceté de Gilligan perd en valeur quand elle est trop
diluée dans les minutes qui s’écoulent et dans les scènes de remplissage. C’est principalement le duo formé par Walter et le dealer Jesse qui en pâtit, avec une écriture limitée et répétitive.
Tout est cependant loin d’être perdu pour Breaking bad, dont le principe actif de base reste on ne peut plus valide. En plus, la volonté claire de Gilligan de n’accorder
aucune indulgence à son héros, et bien au contraire de montrer toute la difficulté et l’horreur de son changement « d’orientation professionnelle » peut mener, à terme, à de bien bonnes
choses. Là encore, verdict dans quelques semaines.

 

Le festival Séries Mania dure jusqu’à dimanche soir, avec ce week-end ses deux plats de résistance : les intégrales des saisons 2 de True blood (samedi) et de
Mad men (dimanche).

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