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- Encore des séries (2) : « What if this wasn’t supposed to be our life ? »
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Immense abîme que celui ouvert sous nos pieds par l’épisode 6X11 de Lost, Happily ever after (je reviendrai sur ce titre hautement symbolique plus loin). Moins
immédiatement saisissant ou émouvant que The constant,
dernier épisode en date consacré aux spécificités de Desmond – « l’homme auquel les règles ne s’appliquent pas » –, Happily ever after l’est en effet mais à dessein. Les
cerveaux de Lost Lindelof et Cuse ne cherchent pas cette fois-ci à construire une histoire autonome, dont la conclusion ne dépend que d’elle-même (Desmond
parviendra-t-il à recontacter sa dulcinée Penny ?), mais un point de bascule, une ouverture dont les ramifications s’étendront probablement jusqu’à la fin de la série. Rien que ça. Happily
ever after ne nous éclaire pas beaucoup sur le chemin exact qu’empruntera le dénouement de ces six années d’aventures ; mais il montre de manière assez précise quels facteurs et
questionnements y seront à l’œuvre.
Ces questionnements se ramènent tous à un seul, sans fin : que vaut ma vie ? L’interrogation n’est pas exploitée comme une simple rustine de scénario mais est défiée de front, sans réserve. Comme
dans un autre épisode terrible, The life and death of Jeremy
Bentham (d’ailleurs également écrit par Lindelof et Cuse, qui se réservent les épisodes les plus posés et pénétrants de leur série ultra-spectaculaire), le pouvoir du langage est
employé de préférence à tous les autres. Desmond n’est plus un acteur en mouvement, dans l’urgence d’une mission à réaliser ; il est le récepteur passif des confessions que lui font
successivement trois personnes – dont deux que nous avons vu mourir, Charlie et Faraday (la troisième est Eloise Hawking). Dans …Jeremy Bentham, ce pouvoir du langage apparaissait
essentiellement sous sa face sombre, dévastatrice. Bentham/Locke essuyait fin de non-recevoir sur fin de non-recevoir, la plupart relevées de piques verbales personnelles le renvoyant à sa
médiocrité. Dans Happily ever after, cette composante destructrice est toujours présente bien que sous un angle différent : la vie de chacun apparaît comme négligeable non pour des
raisons internes mais externes – Charlie et Faraday entament chacun leur discours par l’expression de leur sensation que quelque chose ne va pas, qu’une vacuité inamovible étouffe leurs
existences ; quant à Eloise, la supériorité arrogante avec laquelle elle réduit la vie de Desmond à celle d’un cobaye piégé dans un monde factice est terrifiante.
Mais, le langage peut aussi panser ces plaies ; faire espérer un meilleur futur. Pas du côté d’Eloise, on l’aura compris. Mais Charlie puis Faraday peuvent envisager une sortie par le haut au
marasme de leurs vies possiblement téléguidées, sous cloche depuis qu’ils ont fait l’expérience de réminiscences de leurs amours perdues – respectivement Claire et Charlotte, jamais nommées mais
parfaitement décrites et sans aucun recours à des artifices tels que des flashbacks. [Ce en quoi l'ambition de Lindelof et Cuse devient franchement démente, puisqu'ils s'en tiennent
rigoureusement à l'état de semi-conscience de leurs personnages]. Aiguillé par les deux hommes, Desmond va vivre à son tour, et en beaucoup plus fort grâce à ses dons, la même révélation qu’un
autre futur est possible en retrouvant pour la énième fois Penny. On ne se lasse pas de cette sous-intrigue romantique exacerbée de la série ; bien au contraire, encouragées par la musique de
Michael Giacchino, les larmes nous viennent à chaque fois. Mais ici, les retrouvailles passent derrière tout ce que cette expérience de transferts de souvenirs d’une réalité à une autre signifie
dans le cadre plus général de Lost. Car si on ne sait toujours pas si la « réalité-L.A. » et la « réalité-Île » sont parallèles ou si la première est
le futur antérieur de la seconde (cf. l’explication en dessin à la fin de ce podcast), on a maintenant l’assurance qu’elles sont poreuses entre elles ; chose que Juliet au moment de mourir et Sun ont déjà vécu à leur insu. Plusieurs causes
semblent être en mesure d’ouvrir un passage :
-
être tout près de la mort (Juliet, Charlie)
-
subir un choc violent physique (Sun, Desmond) ou émotionnel (Faraday qui redécouvre Charlotte)
-
et, pour tous, avoir vécu un grand amour tragique. Voilà un premier facteur qui va de toute évidence influencer grandement l’achèvement de la série : l’amour.
Le transfert entre réalités peut s’opérer dans les deux sens, ce qui ne clarifie pas les rapports entre celles-ci – quelle est la « bonne » et quelle est la « mauvaise », et
bien sûr quelle sera la définitive. En particulier, la phrase de Faraday reprise en titre de cet article ne doit pas être interprétée à la va-vite : ce qui n’était pas « supposed to
happen » dans les propos du physicien-pianiste était l’explosion de la tête nucléaire dans The incident, chose qui s’est dans tous les cas de figure
produite. Et qui a définitivement dérouté le cours des événements, même si l’on ne sait pas encore exactement dans quelle nouvelle direction.
L’autre facteur dont l’impact sera déterminant, c’est bien entendu Desmond, sans que personne ne l’ait envisagé – certainement pas Eloise, et encore moins Widmore qui en déclenchant les visions
de Desmond comme effet de bord d’une expérience ayant un tout autre but (le doughnut of doom) vient de rejoindre la longue liste des protagonistes de Lost ayant
crû contrôler les événements alors qu’il n’en était rien. Dans la « réalité-Île », on ne sait ce que Desmond va faire ni les conséquences de ces actes. Cela fait deux mystères. Dans la
« réalité-L.A. », on sait que Desmond va désormais provoquer chez tous les naufragés du vol Oceanic 815 des épiphanies comme la sienne. Il reste donc là un mystère : à quoi cela va-t-il
mener. Peut-être à la fin de la série : une réalité combinant les bienfaits de la « réalité-L.A. » (les personnages y sont globalement heureux, et vivants) et les sentiments véritables
du passé de la « réalité-Île ». Une réalité où l’on vivrait… happily ever after.
P.S. : tout ce que j’ai pu écrire là tient toujours la route. Il faut juste y intégrer les effets du facteur Desmond sur la conclusion de cette longue histoire.