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Où ?
Aux Halles, au ciné-cité pour High school musical 3 et à l’Orient-Express pour Magique
Quand ?
Mardi soir, les deux à la suite (histoire de ne pas risquer de se dégonfler)
Avec qui ?
Ma femme, qui a accepté de participer à l’expérience mais en a aussi sifflé la fin
Et alors ?
Alors qu’une décennie d’un des règnes
républicains les plus violents qui n’aient jamais été s’est achevée cette nuit dans l’euphorie (dans mon euphorie personnelle en tout cas), d’irréductibles poches de résistance existent encore ça
et là. Et si les individus qui les forment n’avaient pas déjà la véritable Bible toujours à portée de la main, on pourrait dire que la série des High school musical est leur
bible.
Vous n’avez aucune idée de ce que peut être ce High school musical ? Cela n’a rien de honteux, car on a affaire là à un exemple presque caricatural de clivage culturel. La
communication autour de ce produit est tellement ciblée que les deux premiers volets ont rassemblé 10 millions de téléspectateurs – chacun ! – lors de leur passage sur M6, alors que dans le
même temps l’immense majorité du reste de la population n’en a jamais entendu parler. Et pour ce troisième épisode, premier à sortir au cinéma, le résultat est comparable : grâce aux
vacances de la Toussaint, High school musical 3 devance pour le moment Mesrine, l’instinct de mort sorti le même jour, avec déjà plus de 1,2 millions de spectateurs.
Une fois dans la salle, qu’en est-il ? La réponse est sans surprise : les pires craintes et a priori étaient justifiées. Deux définitions possibles de High school musical
3 viennent à l’esprit.
-
C’est le dérivé réel, tangible, de ce que Orange
mécanique présentait dans son futur alternatif cauchemardesque – l’abêtissement frontal du public par sa soumission à un flux continu et hystérique d’images et de sons.
Sauf que la violence du processus n’a même plus à être explicite : le héros de Orange mécanique était attaché à son siège et exposé à des images pornographiques et
ultra-violentes. Le public de High school musical paye sa place ou allume sa télé par lui-même, et ne suit que les aventures d’« innocents » adolescents, stéréotypés
et pour lesquels tout va exagérément bien. -
C’est la version cinématographique du Big Mac : surchargé de tout, mais ne présentant aucun intérêt nutritif.
La vertigineuse vacuité du film trahit un terrifiant mépris du public visé. High school musical 3 n’a aucune intention de développer quoique ce soit, qu’il s’agisse de ses
blagues, de ses drames, de son suspense ou de ses personnages. Des ellipses brutales et des raccourcis inintelligibles lient entre elles des scènes sans queue ni tête, où l’enjeu d’un instant
passe à la trappe la minute qui suit. Cette gesticulation de façade et ce vacarme permanent (toute ressemblance avec un président existant… etc.) ont pour seul but de polluer l’esprit, et
d’habituer les gens – ou de les conforter dans leur habitude – à ne pas réfléchir, à ne surtout pas remettre en cause le conformisme de l’ordre établi, la bouche grande ouverte face aux inepties
dont on cherche à les gaver. En faire la liste exhaustive pour le cas présent prendrait trop de temps, deux exemples suffiront : une étudiante étrangère (« seulement » anglaise,
pourtant) renvoyée in fine chez elle pratiquement avec le goudron et les plumes ; et le destin parallèle des deux stars de l’équipe de basket du lycée. Le premier, blanc, part à
Berkeley où il pourra concilier basket, théâtre, études prestigieuses et vie commune avec sa copine. Ce dilemme (pourrais-je réussir à avoir le beurre, l’argent du beurre et les bisous de la
crémière ?) nous est rabâché d’un bout à l’autre du film et importe à tous les personnages. Le second personnage, quota noir du film, restera moisir au fin fond du Nouveau-Mexique où il sera
prié d’enquiller les paniers pour sa fac tandis que sa copine par à l’autre bout des Etats-Unis, à Yale. Mais là, tout le monde s’en fout.
Face à un tel déploiement de moyens, le Magique du français Philippe Muyl ressemble à David contre Goliath. Mais c’est sans compter sur la botte secrète de Muyl (déjà coupable du
Papillon avec Michel Serrault) pour rendre son navet exceptionnel : le génie personnel. Il en faut en effet du génie, pour mener à bien un programme aussi ambitieux que celui
de cette comédie musicale – encore ! – qui ne se contente pas d’impressionner (ou d’insupporter ?) par sa mièvrerie, ses bons sentiments, sa poésie à deux francs. Ça non. Muyl vise
autrement plus haut. Et pour cela, il saborde son projet partout où il le peut.
Il saborde les passages musicaux, en y mettant des paroles non seulement crétines (« le jour et la nuit ; l’un n’empêche pas l’autre ») mais en plus fainéantes :
chaque « chanson » repose sur une unique idée de rime, déclinée ou répétée à l’infini. Dans la première demi-heure, Marie Gillain chante ainsi cinq fois « un petit mail comme
une bouteille à la mer, un petit mail comme un souffle éphémère » assise devant son ordinateur. Toutes les six minutes, elle recommence. Muyl saborde également les dialogues non
chantés, à coups de maximes définitives sur la vie et de grandes phrases mises dans la bouche de son héros âgé de huit ans. Tant qu’à faire, il a aussi sabordé le casting de ce personnage, en
choisissant un gamin que l’on a envie de baffer dès le premier regard. Pour ne pas désavantager les autres acteurs, il a sabordé leur look : la casquette à poils dont est affublé Cali
pendant la majeure partie du film est, au mieux, improbable.
De toute manière, tout ce qui précède n’est pas si grave. En effet, aucun séquence n’est épargnée par un sabotage, soit de la mise en scène (un numéro chanté pour lequel il se refuse à choisir
entre faire un panoramique, zoomer sur l’arrière-plan, cadrer l’un des deux acteurs ou les deux – il fait tout cela à la suite, sans logique) soit du montage. A un moment du film, l’héroïne part
dormir tandis qu’en montage alterné deux autres personnages discutent en extérieur, de jour. Et la scène suivante montre cette même héroïne discuter avec Cali… au milieu de la nuit. Le
chamboulement temporel d’une telle ellipse rend même David Lynch quelconque.
Par la grâce du refus de l’expérience d’un siècle de cinéma et du sens du sacrifice de son réalisateur, Magique résiste donc avec brio aux coups de boutoir du mastodonte
High school machin 3. Quand l’inimaginable se produit, au début du deuxième acte : l’outsider français met le favori hollywoodien K.O. debout, en une scène foudroyante. Sans
aucun recul ni ironie, Muyl nous montre le repas quotidien des gens du cirque venus camper dans la vie de l’héroïne et de son sale mioche pendant quelques jours : insectes en entrée,
insectes comme plat principal, insectes au dessert. Et tous, que le film veut nous faire aimer (voire envier), sont ravis. Ma femme et moi sommes d’abord restés pantois. Puis, convaincus que la
victoire de Magique ne pouvait plus être contestée, nous avons quitté la salle. En se disant tout de même qu’il n’y a rien de plus triste qu’un film cherchant à rendre heureux et
qui rate complètement sa cible.
ho hé, alors quelques remarques:
1. High School Musical, vous êtes pas forcément le coeur de cible, hein. Ma nièce (13 ans) adore, ainsi que toutes ses copines. Moi mème, lors d’un long voyage en avion… hem, mais je m’égare.
2. Dire du mal de Marie G., c’est s’attirer les foudres de « qui tu sais »
3. Dans votre marathon, vous auriez pu ajouter le James Bond…
ben oui, pas le coeur de cible, mais la salle était remplie de gens bien au-delà de la puberté. (certains étaient poilus et d’autres avaient de la poitrine)
Et un film qui passe en VO toute la journée dans la plus grande salle d’un multiplex, ce n’est pas prévu pour n’attirer que des CM2-5ème. )
C’est un film pour adolescentes un peu neuneu … il en faut bien pour tout le monde !