• Dirty diaries, compilé par Mia Engberg (Suède, 2010)

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Puisqu’il est sorti dans des salles de cinéma classiques, le film à sketches pornographique Dirty diaries doit être confronté à la question : fait-il œuvre de cinéma ?
Cela fait longtemps que le porno s’est éloigné d’une telle ambition – depuis l’apparition de la vidéo comme solution alternative et plus légère à la pellicule, en fait. A partir de là, le genre
s’est de plus en plus éloigné du schéma impliquant des récits classiques et des enjeux dramatiques sérieux, souvent d’ordre psychologique, pour lesquels le sexe constituait un moyen de résolution
comme l’est le rire dans les comédies, ou le danger dans les films d’horreur. De films tels que Abigail Leslie is back in town, le cinéma
classé X a glissé jusqu’à atteindre sa forme actuelle morcelée à l’extrême, qui le voit s’exprimer presque exclusivement sous forme de « gonzos » (succession de scènes-performances sans
lien scénaristique entre elles) ou de clips YouPorn.

Dirty diaries accepte d’ailleurs cet état des lieux, et ne cherche pas à remonter le courant pour revenir à la situation du passé. Lui-même est morcelé, découpé en
sketches rarement longs (un quart d’heure au maximum, deux minutes au minimum) et dont une large majorité ne sont pas narratifs. La question initiale se précise donc : faire œuvre de cinéma,
dans ce cas de figure, c’est se demander s’il est possible de fonder un nouveau cinéma pornographique à partir de l’état actuel.

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Sur les treize élèves à avoir rendu une copie, quatre sont hors-sujet, pour la plupart trop haut perchés – ces cancres sont l’incompréhensible For the liberation of men, le
bizarro-gynécologique Fruit cake, le flou Red like cherry et le catcheur On your back ladies. Un autre, Authority, se retrouve dans l’entre-deux. Il est le
seul de la bande à emprunter la voie de la fiction classique – une situation « dramatique » résolue par le sexe –, dans laquelle il achoppe comme tant d’autres avant lui en se montrant
(très) mauvais sur le cinéma narratif et bon sur le sexe.

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Au-delà de ces ratés, la réponse donnée par Dirty diaries à la question posée plus haut est plutôt encourageante, grâce aux huit autres courts-métrages, qui parviennent
effectivement à faire du cinéma valable ; un chiffre remarquable, surtout qu’aucun d’entre eux ne suit la même voie. On trouve du plan-séquence (Brown cock) ; du montage utilisé
dans le but de juxtaposer la réalité et la fiction (Phone sex), ou bien plusieurs réalités (Come together) ; de l’auto-filmage à la Blair Witch project
ou Cloverfield (Night time),
avec au bout le même résultat d’une réalité captée partiellement (on ne voit jamais le sex-toy avec lequel joue la fille, chose impensable dans un porno conventionnel) ; du vrai-faux documentaire
ambigu sur son statut (Flasher girl on tour et ses scènes d’exhibition dans le métro dont le découpage questionne l’authenticité, Body contact et son acteur masculin dont l’on
ne sait s’il est complice ou « victime ») ; et de l’animation (Dildo man) qui en profite pour distordre astucieusement la réalité, et qui est tellement réussi qu’il se permet
même d’y ajouter une efficace touche d’humour.

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Ce Dildo man serait le champion du film si ce titre n’avait été confisqué d’entrée par le premier sketch de Dirty diaries, Skin. Celui-ci est un petit
chef-d’œuvre dans ses deux familles d’adoption, le porno et le court-métrage. Pour le court-métrage, cela est le fait de la superbe idée de départ (un couple se caresse à travers des combinaisons
intégrales couleur peau, qu’ils déchirent progressivement pour laisser apparaître et rendre accessibles différentes parties de leurs corps et de leurs visages), parfaite pour mener à bien sur une
dizaine de minutes une histoire cohérente et attachante. Pour le porno, le mérite revient à la mise en scène (signée Elin Magnusson), qui par sa douceur et sa sensualité met la main sur le graal
du genre : donner à voir des images excitantes sans être vulgaires, explicites mais tout de même tendres. Du sexe sur pellicule qui soit beau, aguichant et cinématographiquement doué :
Skin mérite les félicitations du jury.

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