• Deux films inédits de deux réalisateurs de renom : Panique à Hollywood (Barry Levinson, USA, 2008) et Miracle à Santa Ana (Spike Lee, USA, 2008)

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Où ?

A la maison, en VOD Canal+ pour Panique à Hollywood (qui est également sorti en DVD zone 2), et en DVD zone 1 acheté aux USA pour Miracle à Santa Ana

Quand ?

La semaine dernière

Avec qui ?

Seul

Et alors ?

Barry Levinson et Spike Lee ne sont pas les premiers venus. En France, le nom de Levinson n’est pas forcément connu à la hauteur de sa filmographie fournie – entre autres Rain
man
, Good morning Vietnam, plus récemment le réjouissant Des hommes d’influence, et au passage un oscar du meilleur réalisateur. Le second est plus
emblématique, et a même eu l’honneur d’une rétrospective – largement commentée sur ce site, ici et par exemple -
à la cinémathèque française en septembre dernier. C’est d’ailleurs à cette occasion qu’a eu lieu ce qui est à ce jour l’unique projection de son dernier opus, Miracle à Santa Ana,
dans une salle française. Le film devait sortir commercialement deux semaines plus tard ; il n’en a rien été, et la dite sortie est aujourd’hui hautement improbable. De façon similaire, le
Panique à Hollywood de Levinson a eu les honneurs de clore le dernier Festival de Cannes… avant de réapparaître huit mois plus tard sur les étals de DVD, sans être passé par la
case « cinéma ». Pour reprendre le titre original de ce second film : What just happened ?




Panique à Hollywood se veut très mineur et divertissant, Miracle à Santa Ana très majeur et marquant ; pour couper court à tous les fantasmes, disons de suite
que la principale raison du bannissement des deux films est qu’ils sont tous les deux ratés. Panique à Hollywood fait preuve de beaucoup d’inspiration dans la mise en scène,
hystérique juste ce qu’il faut pour coller au propos (les déboires du quotidien d’un producteur hollywoodien, joué par un Robert de Niro qui trouve là son premier rôle intéressant depuis des
lustres), et dans sa satire du milieu. Celle-ci repose sur une idée très imaginative et rondement exploitée : l’amalgame fait entre les films fictifs tournés et leur processus de
fabrication. La projection-test inaugurale désastreuse – le réalisateur du film dans le film ose faire mourir le chien d’une balle dans la tête plein cadre, l’horreur ! – tourne à la grande
scène de suspense, portée par la musique à l’avenant du film projeté. Plus tard, une réunion de reprise en main du montage par le studio applique des recettes similaires à un duel de western ou
de thriller.


Malheureusement, il s’agit là de scènes isolées au milieu d’un ensemble qui tourne à vide, sur des recettes éculées – des caméos laborieux de stars (Sean Penn, Bruce Willis), la vie sentimentale
du héros. Et puis il y a aussi autre chose d’un tout petit peu gênant dans Panique à Hollywood : il y manque une conclusion en bonne et due forme, au lieu de ce point final
abruptement posé là, qui nous claque la porte au nez et donne à l’ensemble un air bien insignifiant. Restent en mémoire deux passages laissant entrevoir la folie que le film aurait dû oser
embrasser entièrement dans son entreprise parodique : la performance géniale de John Turturro en agent de stars poltron et terrassé par des problèmes gastriques dévastateurs ; et un
enchaînement délirant de deux séquences remplies de gags bien sentis, prenant place lors d’un enterrement (d’abord à la synagogue, puis au cimetière).


Miracle à Santa Ana souffre des excès inverses. Spike Lee veut y faire trop de choses, y passer trop de messages. Cela aboutit à un des scénarios les plus alambiqués qu’il ait été
donné de voir ces dernières années, tellement surchargé en protagonistes, en situations et en intrigues qu’il est réduit à en introduire encore après plus d’une heure de film (sur 2h40 au total).
Confus et exaspérant, ce script fait non seulement du surplace mais écrase de plus ses personnages sous le poids des symboles que Lee veut leur faire porter. Le groupe des quatre héros noirs doit
ainsi se battre sur les différents registres des soldats derrière les lignes ennemies, des opposants moraux au nazisme, des discriminations raciales exacerbées ; sans compter, en sus de tout
cela, les identités propres de chacun des membres du groupe.


Dans la forme, la collaboration prolongée de Lee avec Matthew Libatique à la lumière et Terence Blanchard à la musique fait une fois de plus des merveilles. Sur le fond, les choses sont beaucoup
moins roses. Fidèle à ses travers récurrents, si j’ose dire, le cinéaste rate complètement le traitement d’une romance entre un des soldats et une jeune femme du village italien où ils se sont
réfugiés en attendant les renforts – le sujet n’a jamais été son fort. Plus gênant, il s’enferre dans le premier degré radical qu’on lui connaît, et qui le fait ici ramer à contre-courant de
soixante ans d’histoire du film de guerre, allant vers toujours plus de distanciation et d’esprit critique par rapport aux événements relatés (dernier exemple majeur, le diptyque Mémoires de nos pères / Lettres d’Iwo Jima de Clint Eastwood).
Lee nous inflige des dialogues et des typages de personnalités d’une banalité confondante. Même fourvoiement au niveau de l’action : la fusillade finale entre bons en méchants n’en finit
pas, faisant tomber les personnages des deux camps comme des mouches sans en tirer une signification un peu plus étoffée que « la guerre, c’est dur ». Quant au miracle du titre, il fait
son chemin avec de gros sabots, sans aucune grâce, imposé par des à-coups arbitraires et surlignés. Loin des merveilleuses sublimations du septième art que peuvent être Ordet de Dreyer ou Signes de Shyamalan,
Miracle à Santa Ana traîne sa médiocrité jusqu’à un épilogue expédié, accablant et visuellement hideux qui dispute à … Benjamin Button la palme de la meilleure publicité
pour une assurance-vie. Si l’on en comprend bien le message, le « miracle » consiste en définitive en la transformation d’un gamin autiste en un businessman richissime vivant aux
Bermudes… dans la situation actuelle, on a vu plus adapté.


Tout n’est tout de même pas à jeter dans le film : les apartés quasiment autonomes par rapport à l’intrigue principale sont particulièrement réussis et captivants, qu’il s’agisse des deux
flashbacks contant un massacre de civils italiens par un régiment nazi, et la confrontation sur le sol américain des héros noirs avec un tenant de bar blanc et raciste au dernier degré, et de la
partie introductive au temps présent, qui dans la droite ligne d’Inside man montre la grandeur de New York et la dureté des faits divers qui s’y déroulent. Cela fait juste de quoi
garder espoir pour le prochain film de Spike Lee… Inside man 2.

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