• Copacabana, de Marc Fitoussi (France, 2010)

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copa-3Où ?

Au MK2 Quai de Seine

Quand ?

Mercredi soir, à 22h

Avec qui ?

Seul

Et alors ?

 

Copacabana, c’est avant tout une actrice, Isabelle Huppert. Ce qu’elle fait du personnage de Babou, la profondeur, l’ambiguïté et la véracité qu’elle lui donne, est
quasiment inégalable aujourd’hui sur un écran de cinéma. Hormis par Huppert elle-même, bien sûr ; son interprétation dans le récent White
material
produisait le même résultat. Elle ne se contente pas d’incarner ses rôles, mais fait deux fois mieux : elle leur donne vie, les rend le temps d’un film
aussi réels que vous et moi, et elle révèle à nos yeux le contenu de leurs motivations, de leurs logiques, de leurs goûts et dégoûts. Ils sont à la fois disséqués distinctement et animés
intensément.

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Copacabana ne serait pas le même sans Isabelle Huppert, mais il faut évidemment le talent du réalisateur et scénariste Marc Fitoussi pour lui écrire un rôle exploitable
ainsi que le contexte dans lequel il peut s’épanouir, et pour filmer l’un à l’autre à leur juste valeur. La complexité de Babou et son unicité sont déjà présentes sur le papier : c’est une
femme libre mais fauchée, cultivée mais volontiers vulgaire (mis entre les mains de Huppert, ce décalage provoque les plus grands éclats de rire du film), intelligente et débrouillarde mais
incapable de garder longtemps un emploi. Elle a baroudé partout sur le globe mais n’a ni endroit ni foyer auquel se fixer. Son refus viscéral de se laisser cataloguer pour de bon dans une des
cases réductrices de la société moderne la rend à la fois supérieure et inférieure à ce système, et à tous ceux qui acceptent de guerre lasse de s’y soumettre. Tous les autres personnages du film
la jugent pour cette raison, à commencer par sa fille unique Esméralda qui la rejette et provoque son départ pour Ostende. Babou s’en fiche ; son secret est précisément d’être toujours
radieuse et confiante quand tous les autres sont globalement tristes et angoissés.

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Fitoussi, lui, ne juge pas Babou mais l’accompagne. La disponibilité du personnage devient ainsi un modèle pour celle du film, qui refuse tous les chemins balisés se présentant à lui. Le départ
pour Ostende ne donne pas lieu à un récit classique de nouvelle vie ; les relations sentimentales ou amicales qui s’y nouent vivent intensément le temps qu’elles durent mais n’ont aucune
obligation de déboucher sur quelque chose de définitif. Les thèmes abordés sont multiples, souvent sérieux (la soumission à une autorité, à une convention), et jamais selon une unique
perspective. Par son écriture luxuriante et impertinente et son humeur sans cesse joyeuse, il y a quelque chose de Lubitsch ou de Wilder dans Copacabana. On le ressent lorsque
Fitoussi effleure le marivaudage, dans une scène où Babou se retrouve de manière imprévue à conseiller silencieusement son futur gendre – qu’elle n’aime pas – dans ses efforts pour reconquérir
Esméralda au téléphone ; ou lorsqu’il décrit avec une insolence stimulante et rare de nos jours comment une personne (cette même Babou) peut à la fois exceller dans son travail et ne trouver
aucun intérêt à celui-ci.

 

On pense surtout à ces références prestigieuses devant l’équilibre miraculeux et permanent trouvé par le film entre la tristesse de fond de son récit et l’humour de son développement, entre la
critique d’un système et l’empathie envers les individus qui le composent. Car si les dons de Babou lui valent d’être récompensée par son metteur en scène dans un épilogue sciemment enchanté, les
autres personnages, les vaincus, ne sont pas pour autant dédaignés ; au contraire Fitoussi les aime tous autant qu’ils sont, sinon il ne leur écrirait pas de si mémorables dialogues. Cela
frappe particulièrement pour les rôles féminins, d’ordinaire dernière roue du carrosse au cinéma et ici tous conçus pour pouvoir se substituer au pied levé le premier rôle, avec la même finesse
et la même profondeur que celle-ci. L’apparition d’Aure Atika mérite d’être citée explicitement, car elle a des airs de revanche voire de renaissance pour elle qui avait principalement dû se
contenter ces dernières années de miettes sans rapport avec son talent.

2 réponses à “Copacabana, de Marc Fitoussi (France, 2010)”

  1. D&D dit :

    Bonjour,
    Je ne boude pas mon plaisir devant ce film et devant Isabelle Huppert. Il y a un sens du casting assez impressionnant chez Fitoussi (d’ailleurs, j’ignorais encore que Aure Atika pouvait présenter
    un intérêt, et je l’ai trouvé très très bien ici).
    Bref, beaucoup de point d’accords avec votre billet, mais j’ai davantage de réserves sur la mise en scène, voire même le scénario.
    Si vous ne l’avez pas lu, je trouve des choses pas intéressantes ici aussi :
    http://www.critikat.com/Copacabana.html
    (hormis la vision « deus ex machina » qui me semble à côté du film, je reçois « l’enchantement » de la fin comme vous)

  2. <a href="http://cine-partout-tout dit :

    Bonjour,

    Je n’avais pas lu le texte de critikat sur ce film. La personne qui l’a écrit semble partir de trop loin pour pouvoir apprécier le film, entre le peu d’affection porté à Isabelle Huppert (et ses
    rôles de « bourgeoise coincée ») et le refus du concept de base du film, qui est que le personnage de Babou est effectivement une « marginale à qui la marginalité ne pèse pas ». A partir de là,
    effectivement, le verre à moitié plein devient rapidement un verre trop vide.

    Le film étant très subjectif, en faveur de Babou, l’effet « deus ex machina » du final ne me paraît pas incohérent. Et il n’est pas pire, sur le mode heureux, que la somme de catastrophes
    arbitraires que les réalisateurs de films « sociaux » font s’abattre sur leurs héros pour illustrer au burin la difficulté de l’existence…

    La mise en scène de « Copacabana » brille en effet principalement par son absence. Mais le genre comique est celui qui s’accomode le mieux de ce genre de lacune ; tant mieux pour Fitoussi.