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- Chauffeur, si t’es champion, appuie sur le champignon : Speed de Jan de Bont (USA, 1994) et Unstoppable de Tony Scott (USA, 2010)
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Où ?
A la maison en DVD zone 2 pour Speed et au ciné-cité les Halles pour Unstoppable
Quand ?
Samedi soir et mercredi soir
Avec qui ?
MaFemme puis tout seul
Et alors ?
Que sait-on de la vie des personnages de Speed ? Pour ainsi dire rien. Cela entrave-t-il l’intensité de notre implication à leurs côtés dans les aventures et périls
qu’ils traversent ? Pas le moins du monde. Pour cette raison, Speed représente la quintessence du blockbuster hollywoodien, catégorie Action, et il devrait être
projeté à tous les réalisateurs qui n’appliquent pas les mêmes principes, jusqu’à ce que ceux-ci leur rentrent dans le ciboulot. Ils ont d’autant moins d’excuses qu’il n’y en a pas beaucoup à
retenir, de principes ; un seul suffit, à la limite. Celui qui affirme que, conformément à son nom, dans un film d’action l’action (de même que sa partenaire rituelle l’adrénaline) est reine
et que tous lui doivent allégeance. Si cela est respecté, toutes les absences et lacunes potentielles sont effacées, occultées. La preuve : les talents de réalisateur de Jan de Bont (arrivé aux
USA en tant que chef opérateur, dans les valises de Paul Verhoeven), et d’acteurs de Keanu Reeves et Sandra Bullock ont été largement raillés dans le reste de leurs carrières respectives, mais
rien de tel à propos de Speed. Même chose pour le troisième interprète principal, feu Dennis Hopper, qui cabotine comme un dératé sans que personne n’y trouve à redire.
Le scénario de Speed sacrifie absolument tout à la déesse action, y compris ses scènes d’introduction et de conclusion. Le désamorçage de dernière minute d’une bombe
posée sur un ascenseur, et un métro lancé à toute allure dans un tunnel inachevé les remplacent pour encadrer le plat de résistance, cette histoire à dormir debout d’un bus de ville qui une fois
qu’il a dépassé la vitesse de 50 miles/h (environ 80 km/h) n’a plus le droit de ralentir en-dessous sous peine d’exploser. [Notons en aparté qu’un tel concept est la propriété exclusive de la
métropole tentaculaire de Los Angeles, où des bus de ville reliant différents quartiers empruntent assidûment l’autoroute sur de longues portions]. La clé du succès tient dans un pragmatisme à
toute épreuve. Pas question de réfléchir aux causes de la crise, seules ses conséquences importent. Speed, c’est en somme l’anti-Inception : un bus, une bombe, un coup de fil pour prévenir le héros et allumer la mèche du film, et advienne que pourra.
Pendant un peu plus d’une heure, Speed explore toutes les déclinaisons possibles de la rencontre entre son idée et le monde réel (et pendant l’autre heure, il fait de
même avec l’ascenseur et le métro) : monter à bord du bus ayant déjà dépassé la vitesse limite, trouver des portions de route permettant de maintenir cette vitesse, survivre aux accrocs imprévus
posés par le parcours lui-même (des virages serrés, un saut au-dessus du vide)… Il s’agit là d’un suspense purement physique, s’auto-alimentant sans cesse et ne nécessitant aucune intervention
artificielle pour être perpétué. Le terroriste à l’origine de tous les périls n’est ainsi rien de plus qu’une étincelle, et se retrouve vite relégué en arrière-plan de l’enchaînement de cascades
et de cavalcades qu’il a provoqué. Pour la même raison, le fameux saut cité plus haut est assurément le climax du film, et pourtant une fois qu’il est derrière nous l’intensité du récit
ne diminue pas d’un iota. Dans son genre, Speed tutoie la perfection car il est brut, parasité par rien, d’un premier degré total, et tout entier dévolu à sa mission.
16 ans et une poignée de jours plus tard, alors que je mets la dernière main à la critique de Speed un film surgit justement pour entretenir ce savoir du film d’action
parfaitement abouti : Unstoppable, de Tony Scott. Révélé dans les années 80 par Top Gun puis ayant grandement participé à inventer le film
d’action moderne à la fin des années 90 avec Ennemi d’état, Tony joue à fond depuis le passage au nouveau millénaire le rôle de marginal excessif et intenable, quand son
frère Ridley
aspire à plus de respectabilité, quitte à être bien plus chiant aussi des fois. Depuis Man on fire et Domino, que beaucoup jugent irregardables
et certains – dont moi – terriblement jouissifs dans leurs outrances, Tony Scott défriche une nouvelle voie qui se désintéresse autant que possible du prétexte de l’action et n’a d’yeux et
d’oreilles que pour sa représentation : montage bouillonnant, filtres de couleur, variations amples sur la vitesse de défilement des images… tous les effets disponibles y passent, sous des
formes autrement plus stupéfiantes que nos conceptions les plus folles.
Mais, le temps de cet Unstoppable, film de commande dont le script traînait à Hollywood depuis six ans, Tony Scott remise sa blouse de laborantin dément et met tout son
savoir-faire de mise en scène au service de la sacrosainte adrénaline – car lui aussi connait les règles d’or du film d’action citées plus haut. Certes, pour la tranche majoritaire du public qui
ne connait rien des développements récents de l’œuvre du cinéaste, sa caméra passera pour agitée voire par moments épileptique ; mais en réalité, Scott est ici aussi posé que s’il était aux
commandes d’un documentaire. C’est aussi un peu relâche pour Denzel Washington, complice de longue date du réalisateur (une première collaboration efficace sur USS
Alabama, puis trois films sur les quatre derniers de Scott : Man on fire, l’inclassable Déjà-vu et l’égarement
L’attaque du métro 123) que ce dernier a amené dans ses bagages. Les talents renommés d’acteur de Washington ne lui sont pas nécessaires pour cette fois, seuls sont
requis son charisme naturel, son regard intransigeant et son petit rire inimitable et ravageur.
Les deux meneurs de Unstoppable assurent donc un service minimum, et pourtant le film emporte tout sur son passage comme quasiment aucun blockbuster mouvementé ces
derniers temps. Comme Speed, Unstoppable n’a tout simplement pas besoin de forces de traction (un réalisateur, un acteur) de taille. Des
propulseurs d’appoint lui suffisent, car il génère sa propre énergie à partir d’une unique source, le danger mortel qu’il s’agit d’empêcher de se réaliser. C’est ici un train de marchandises
immense (800 mètres de long), dont plusieurs wagons contiennent des matières hautement inflammables, et lancé à pleine vitesse sans conducteur en direction d’une zone urbaine au milieu de
laquelle il semble promis au déraillement et à l’explosion. Cette histoire inspirée de faits réels mais fortement romancée, tout de même est encore plus belle que celle de
Speed. Elle congédie purement et simplement les méchants humains permettant habituellement d’initier et de renchérir si besoin est le suspense ; tout juste y trouve-t-on
des agents aggravants, tels les opérateurs de fret négligents qui causent involontairement le départ du train ou un chef dont l’intervention vise à protéger les intérêt de sa compagnie privée
plus que des vies humaines, et n’a in fine pour seule conséquence qu’une perte de temps. De même, pas de fusillade à l’horizon, à peine quelques coups de feu évidemment vains.
Unstoppable est le théâtre d’un face-à-face définitif entre l’homme et la machine, l’organique et le métal, David et Goliath – et le train est selon toute évidence le
plus fort, vérité aussi ironique (puisque c’est l’homme qui a conçu le train) que terrible qui participe pour beaucoup à l’intensité de la situation de crise exposée à l’écran. Comme les
personnages, le film n’a d’autre choix que de se caler sur le rythme de ce train fou, insensible et pourtant furieux et létal. Il est tranquille au début lorsqu’il s’agit de décrire
minutieusement l’enchaînement des circonstances mettant en branle la machine, ne souffre aucune détente dans la succession des catastrophes et rebondissements une fois la vitesse de croisière
débridée atteinte, et s’achève presque sans une image de plus quand enfin la locomotive est remise à l’arrêt. En chemin, Tony Scott a de plus trouvé matière à sortir de leur état de mort clinique
les deux genres du film catastrophe et du film en temps réel. Excellente surprise : l’un comme l’autre ont des restes bien assez vigoureux pour approvisionner quatre-vingt-dix minutes
d’action et de tension non stop, incroyablement jubilatoires et qui nous relâchent titubants tant la décharge d’énergie fut puissante.