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- Boulevard de la mort, de Quentin Tarantino (USA, 2007)
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Au Max Linder Panorama (si vous habitez en région parisienne et ne connaissez pas cette salle magique, foncez !), puis au George V
Avec qui ?
Et alors… ?
Sur le coup, Boulevard de la mort (titre français aussi mauvais que l’original Death proof est excellent) s’apparente à une soirée squat chez Tarantino, qui nous a gentiment :
- présenté ses potes acteurs, réalisateurs, cascadeurs qui passaient par hasard dans le coin
- fait une petite démo de son juke-box (parachevée par la reprise décapante du Laisse tomber les filles de Gainsbourg par April March sur le générique de fin)
- gratifié de sa cinéphilie « bis » toujours aussi plaisante à suivre bien qu’on ne capte pas une référence sur 10
- montré sa collec’ de voitures de course des seventies, avec séances de poursuites et de carambolages sur les routes désertes du Texas pour leur faire prendre un peu l’air
- fait des clins d’oeil à sa propre filmographie, avec une attention particulière portée à Kill Bill (personnages, musiques, costumes qui reviennent)
Le résultat semble alors bavard, gratuit, sans aucune motivation autre que de s’amuser, réfractaire à toutes les lois du marketing, et complètement nombriliste. On peut trouver ça très vain (comme la deuxième fournée de copains à être venus avec moi, même s’ils ont fini par admettre avoir passé un bon moment) ou diablement excitant. C’est l’option privilégiée par moi-même ainsi que par mes collègues d’avant-première, dont l’un est même allé jusqu’à élaborer une théorie – qui tient la route – présentant le film comme une expérience orgasmique : « Au début il faut laisser venir l’excitation, puis la machine s’emballe, ça va de plus en plus vite et ça se termine en feu d’artifice. Une fois le nirvana atteint un « Laisse tomber les filles » vient accompagner la descente… Un pur bonheur. »
Quand on repense au film à tête reposée quelques jours plus tard, le génie et la maîtrise de Tarantino apparaissent de manière encore plus frappante. Comme Lynch en début d’année avec INLAND EMPIRE, Tarantino fait suivre un film lui ayant offert un succès critique et public unanime (Mulholland Drive pour l’un, Kill Bill pour l’autre) par un projet déroutant, très personnel et beaucoup plus ambitieux et profond qu’il n’en a l’air. Même si elle prend chez chacun une tournure très distincte, la réflexion sur la forme cinématographique est au centre des préoccupations des deux cinéastes. Via des moyens plus ou moins voyants, Tarantino confronte en effet pour la première fois sa machine à créer des histoires-patchworks à partir de bouts de films oubliés de tous avec le vrai monde.
La technique la plus flagrante est celle du jeu sur les époques. À côté de son traditionnel placement de produits fictifs (les Big Kahuna burgers et autres cigarettes Red Apple), il fait soudain apparaître entre les mains de ses héroïnes téléphones portables, magazines et iPods qui placent sans ambiguïté l’univers de Boulevard de la mort dans les années 2000. Mais le film tel que nous le voyons est tout aussi sûrement situé dans les années 70, par son concept de série Z décomplexée et stupide comme on n’en fait plus, sa bande-son, sa copie raturée où les fins de bobines disparaissent seconde après seconde à force d’être projetées. Alors, dans quel sens faut-il prendre cette opposition ? Tarantino avoue-t-il franco son incapacité à cautionner une époque amnésique à toute culture datant d’il y a plus de vingt ans, et sa préférence à vivre dans son vidéo-club idéal, avec un vieux juke-box dans le fond de la salle et des affiches de films vintage qui recouvrent les murs du sol au plafond ? Un peu, peut-être. Ou bien poursuit-il son hommage au girl power, en montrant cette fois-ci que les filles sont tellement fortes qu’elles peuvent même retourner à leur avantage tout un pan de cinéphilie macho ?
Oui, ce serait plutôt ça. Parce que dans Boulevard de la mort, à part 2-3 losers égarés ici et là (dont Kurt Russell, génial en loser en chef qui roule des mécaniques avant de se faire sévèrement punir dans la seconde moitié), il n’y a que des filles – même pour la figuration en arrière-plan. Et elles font tout, surtout ce que l’on essaye de leur interdire : assumer leur corps, parler cul, draguer les mecs, réaliser des films, conduire des bolides de course et se venger violement des pervers. Le monde est à leurs pieds, à commencer par Tarantino dont le travail est de filmer leurs exploits. On n’accolera cependant pas le gros mot « maturité » à ce changement de direction du cinéaste. Car, contrairement à un Sam Raimi qui est véritablement devenu sérieux en plaçant ses histoires dans un cadre réaliste, Tarantino est toujours un sale gosse ingérable et transgressif. Chez lui on jure, on fume des joints, on écoute du rock à fond et on filme surtout des seins et des fesses (la moitié des cadrages du film feraient hurler les autoproclamées ligues de vertu). Du coup, une fois la parenthèse de l’analyse refermée, l’orgasme est au rendez-vous de la deuxième vision de Boulevard de la mort comme de la première.