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- Au voleur, de Sarah Leonor (France, 2009)
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Où ?
Au MK2 Beaubourg
Quand ?
Dimanche soir
Avec qui ?
Ma femme
Et alors ?
Au voleur est le dernier rôle de Guillaume Depardieu, et pendant un certain temps ne semble devoir se distinguer que pour cette raison anecdotique. Le premier long-métrage de
Sarah Leonor souffre en effet dans sa première partie d’un mal bien français (qui frappait par exemple le récent Adieu Gary) : noyer les bonnes intentions et les bonnes idées
dans une mise en images beaucoup trop appliquée, scolaire presque, qui fait s’enchaîner les plans et les scènes d’une façon prévisible au possible, tandis que les personnages récitent des
dialogues rendant compte de leurs conditions et états d’âme avec une transparence inutile. De la même manière, les comédiens se retrouvent avec des rôles excessivement cohérents de l’image que
leur filmographie a façonnée pour eux – Guillaume Depardieu en voleur/rebelle/autodidacte, face à lui Florence Loiret-Caille en fille dans la norme (boulot dans la norme, appartement dans la
norme…), et même parmi les seconds rôles le jeune Rabah Nait Oufella sorti d’Entre les murs pour un personnage d’ado à la croisée des chemins entre la délinquance et le respect des
conseils des adultes raisonnables.
Heureusement, à mi-parcours la cinéaste envoie paître ces conventions tacites et étriquées – comme on dit, elle jette le bébé (scénario, entourage, psychologie) avec l’eau du bain lorsqu’une
enquête met les gendarmes sur la piste de Bruno (Depardieu) et le pousse à la fugue. Isabelle (Loiret-Caille) l’accompagne, sans une seconde d’hésitation : l’occasion se présente enfin pour
elle de mettre à l’épreuve du réel ses convictions sur les façons de ranimer sa vie, en s’émancipant à la marge plutôt qu’en étant un mouton anonyme au milieu du troupeau. Cette évidence donnée
aux choix individuels à faire est la meilleure idée de Au voleur, et lui donne le coup de fouet nécessaire pour à son tour émerger de la masse et affirmer son indépendance. Les
cadres se font plus ajustés, le montage plus assuré, car certain de la justesse de ce qu’il est en train d’accomplir. Leonor ne se déroute plus dans des petites digressions hésitantes, car son
récit prend tout son sens alors même que l’existence de ses héros n’en a plus – selon les critères communs s’entend.
La qualité de mise en scène du film peut s’apprécier à l’aune de la trivialité des (ex)actions de Isabelle et Bruno. Ils fuient en barque vers le cœur d’une forêt alsacienne à la nature toujours
sauvage, établissent leur bivouac dans un bunker désaffecté, mangent au coin du feu des vivres volées dans une maison voisine. Ce pourrait être convenu et naïf, cela s’avère touchant et imprévu
grâce à l’harmonie de pensée entre la réalisatrice et son héroïne – qui devient à partir de cet instant le moteur incontesté du film. Entreprenante dans son aventure, sûre d’elle, Isabelle
s’imagine en naïade nageant dans les rivières, en pêcheuse à mains nues, en bandit de grand chemin (le cambriolage de la maison) – et joint à chaque fois le geste à la parole. De même, Leonor
enchaîne sous une lumière naturaliste des plans à la beauté contemplative, soutenus par une sélection musicale folk du meilleur goût qui alterne l’ancien (Woody Guthrie) et le neuf (Viggo
Mortensen au générique de fin). Dans son rôle de scénariste comme dans celui de réalisatrice, Leonor accède à une innocence et à une pureté qui font mouche. On regrette un peu que, peut-être par
manque de moyens, un face-à-face nocturne de western se voit tronqué au regard de son potentiel dramatique. L’épilogue qui s’en suit entérine par contre la réussite de ce premier long-métrage,
entre un retour à la ville superbement incongru – toujours grâce à cette frontalité de la mise en scène – et une ultime décision prise par Isabelle à l’amoralité idéale pour un dernier plan avant
d’abandonner le spectateur.