• Animal Kingdom, de David Michôd (Australie, 2010)

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Où ?

Au ciné-cité les Halles

Quand ?

Dimanche soir, à 22h

Avec qui ?

Seul

Et alors ?

Animal kingdom nous vient de loin en distance (l’Australie), mais aussi en temps. Il est en effet sorti il y a un an de cela dans son pays d’origine, après avoir été révélé au Festival de Sundance quelques mois plus tôt – en janvier 2010, précisément. Animal kingdom est reparti de la compétition avec le Grand Prix dans la catégorie des films étrangers, et comme son équivalent de cette édition 2010 dans la catégorie des films américains, Winter’s bone, il accumule une bonne part des raisons qui rendent ce cinéma indépendant institutionnel et labellisé Sundance peu à mon goût. D’ailleurs, « cinéma indépendant institutionnel » est un oxymore. Un formatage assez net est à l’œuvre, un peu dans l’esthétique des films mais surtout dans la manière de les penser et de les élaborer.

Pour son premier film, David Michôd coche presque toutes les cases de la liste des choses à ne pas oublier : un environnement socialement déprimé et moralement ardu, des protagonistes ambivalents mais dans le bon sens (c’est-à-dire qu’ils sont mauvais par profession mais malgré tout dignes et intègres, à leur façon), une mise en scène léchée tout en restant d’une gravité inébranlable. Dans le cas présent, cela donne une famille de criminels – la mère Janine et ses quatre fils – à laquelle est intégré Josh, le fils adolescent du cinquième enfant de Janine, une fille qui avait rompu les liens avec sa mère et ses frères, à la mort de cette dernière. La scène d’ouverture contient déjà en elle la dynamique qui sera plus tard celle du récit d’ensemble : la mère de Josh s’était séparée physiquement de sa famille, mais pas moralement puisque c’est à une overdose d’héroïne qu’elle succombe. L’ambiance ne va pas aller en s’allégeant, la famille étant prise pour cible prioritaire par une brigade spéciale de la police qui est de plus adepte de méthodes particulièrement expéditives. On nage là en eaux troubles, mais néanmoins très familières. Cette impression ne nous quitte jamais complètement tout au long du film, trop déséquilibré pour avoir les moyens de la balayer.

D’un côté, Animal kingdom est « trop » : trop ouvertement programmatique, trop m’as-tu-vu. L’association de ces deux aspects étrangle les scènes les unes après les autres. La mise en scène est saturée en gadgets agaçants – les ralentis en particulier –, qui n’épaulent pas le récit mais sont uniquement des instruments de frime. Espérons qu’il ne s’agit là que de débordements d’un réalisateur débutant qui cherche trop fort à se faire remarquer. Même chose pour la raideur satisfaite de l’intrigue, qui réduit chaque événement à l’état de simple maillon d’une chaîne rigide, laquelle n’existe que dans le but d’atteindre son dénouement en forme de climax définitif. Ce second point, le manque de chair, de vie de l’action, est renforcé le domaine dans lequel Animal kingdom n’est « pas assez » : pas assez incarné1. Ses personnages ne sont pas beaucoup plus que des silhouettes. La fratrie de bandits est définie de façon aussi unidimensionnelle que les Sept Nains – il y a le Déséquilibré, le Trouillard, le Raisonnable, et le Mort-dès-le-début-ou-presque. La mère, pour sa part, a le sourire du Chat du Cheshire, un regard perforant et elle embrasse ses fils adultes sur la bouche en signe de dévotion et de possession, mais cela ne suffit pas à en faire un personnage. Enfin, l’apathie de Josh est plus justifiable (son adolescence lui confère un corps d’adulte mais une âme encore en friche) et plus intéressante (en influant directement sur le rythme et la magnitude du film) ; mais elle porte en elle le défaut de placer le film à une distance de l’action tellement marquée qu’elle en devient frustrante.

Avec des profils de tempéraments aussi francs, il est plus facile de dérouler un drame qu’avec des individus complexes. Cela revient à réaliser un TP de chimie : faites réagir entre eux les éléments qu’il faut pour obtenir, de manière totalement déterministe, l’effet attendu. Animal kingdom n’est pas beaucoup plus qu’un TP de chimie relaté sur papier glacé.

1 L’effet « Rabbit hole »

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