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- Agent double, de Billy Ray (USA, 2007)
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Seul, au milieu d’une quinzaine de spectateurs (dont 2 ou 3 sont partis en cours de séance, sans doute déçus du développement anti-spectaculaire du film)
Le titre français d’Agent double (en VO : Breach, une brèche) vend trop vite la mèche quant au scénario. Mais il a aussi le mérite, peut-être involontaire, de donner les clés de ce qu’est le film : lui-même un « agent double », qui utilise le masque d’un film d’espionnage classique (avec le bonus « d’après une histoire vraie ») pour proposer au public entré dans la salle tout autre chose, l’expression lancinante et sans résolution d’une remise en cause profonde.
L’histoire vraie, c’est celle de Richard Hanssen (Chris Cooper), agent haut placé du FBI qui a passé 15 ans à refiler, de sa propre initiative, des secrets américains aux russes. Lorsque Agent double démarre, l’enquête secrète concernant Hanssen touche à sa fin – ne manque que les ultimes preuves, pour lesquelles est engagé Eric (Ryan Philippe), jeune aspirant au FBI, chargé de jouer la taupe auprès de Hanssen afin de faciliter l’acquisition des preuves. En dehors des 20 minutes où se noue le dernier acte de l’investigation (plutôt réussies en matière de suspense, et puis on y retrouve le toujours excellent Dennis Haysbert), que raconte alors Agent double ? La déliquescence d’un système (le renseignement et le contre-terrorisme américains) et la perte de repères des hommes et des femmes qui le font fonctionner en y sacrifiant leur vie de famille. Entre les bureaux sans fenêtres, les procédures sans fin, les querelles inter agences et les parasites comme Hanssen qui mettent à terre des années de boulot, ces gens ont le sentiment que le dit sacrifice n’en vaut pas la peine.
Cette déprime généralisée n’est pas autre chose que le reflet, à l’échelle microscopique, de l’enchevêtrement grandissant des luttes d’influence et idéologiques qui se jouent au niveau mondial depuis la fin de la guerre froide. Ce n’est pas un hasard si Hanssen est un « traître » dérangeant à tous les niveaux : FBI et KGB, catholique pratiquant et pervers sexuel, agent passionné par son travail et à la vie de famille enviable. Il se joue des frontières communément admises comme inamovibles, invente sa propre voie en autodidacte et met individus et administrations face à leur incapacité frustrante à en faire de même. Cette frustration rampante est l’objet central de la mise en scène de Billy Ray, lequel filme ses personnages comme des animaux en cage – murs et/ou plafonds toujours apparents dans le cadre, décors et costumes aux teintes hivernales, remarquable bande-son mélancolique signée Mychael Danna. Ce regard froid et distant sur le monde de l’espionnage US, assez unique en son genre, est le principal atout d’Agent double. D’ailleurs, les quelques scènes qui sortent de ce cadre sont invariablement ratées.
Le récit s’achève sur l’arrestation de Hanssen. Mais aussi sur une double victoire de sa part, à la Pyrrhus : troublé par le temps passé à ses côtés, Eric quitte le FBI, désabusé ; et 7 mois seulement après cette arrestation a lieu l’attaque du World Trade Center, symbole de l’incapacité des USA à assimiler le monde post-guerre froide. Agent double ne fait pas explicitement référence à cet événement, mais – plus intelligemment – lance les pistes pour nous le remettre en tête.