• À la merveille, de Terrence Malick (USA, 2012)

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Où ?

Au Max Linder Panorama

Quand ?

Samedi soir, à 21h30

Avec qui ?

MaBinôme

Et alors ?

À la merveille est porteur d’une certitude et d’une interrogation. La certitude est que Tree of life, loin de marquer pour Malick la fin d’un cycle, a éveillé en lui un élan créatif ardent et irrésistible. L’interrogation consiste à déterminer s’il s’agit d’une bonne chose. Cela semble paradoxal, de déplorer le revirement d’attitude d’un cinéaste connu pour sa parcimonie (cinq films en quarante ans avant celui-ci) et son perfectionnisme (Tree of life était dans les petits papiers du Festival de Cannes 2010 avant d’être retardé d’un an supplémentaire), qui s’affranchit de tout cela et devient soudain plus présent, plus spontané. Mais le fait est qu’À la merveille, malgré des qualités évidentes, est un essai manqué. Le cinéma de Malick y est toujours magnifique, mais il est aussi et surtout en échec. La grâce, Graal du réalisateur dont chaque film en est une quête renouvelée avec la même ferveur, n’éclot pas. Et c’est alors la cathédrale d’apparitions et de murmures dans son ensemble qui s’effondre.

La beauté du geste est pourtant là, absolue, à couper le souffle. Cette même beauté sans égal dans la lumière qui baigne chaque vision, dans la caresse immatérielle de chaque mouvement de caméra, née de la collaboration miraculeuse entre Malick et le chef opérateur Emmanuel Lubezki. Elle dure depuis Le nouveau monde, et ne donne toujours aucun signe d’étiolement au troisième film composé ensemble. La caméra de Lubezki est le prolongement naturel de l’âme de Malick, elle concrétise sur l’écran ses intuitions poétiques. Mais ici cette beauté est isolée, asséchée. Trop d’obstacles se mettent en travers de sa transcendance, et l’empêchent d’être porteuse du même genre de sens sublime qu’ailleurs dans l’œuvre du cinéaste. La faillite des acteurs est le blocage le plus évident : aucun n’apporte de flamme, ne contribue à grandir le film. Ceux qui le pourraient hypothétiquement (Rachel McAdams, Javier Bardem) sont cantonnés à de trop petits emplois. Concernant les rôles principaux, ce n’est pas à proprement parler une surprise au regard de leurs états de service antérieurs mais ni Ben Affleck ni Olga Kurylenko ne se révèlent soudain grands comédiens avec À la merveille. La présence du premier, réduit au mutisme comme la plupart des hommes chez Malick, est celle d’un bloc inerte ; la seconde prend des poses et fait des moues travaillées qui restent sans vérité, sans vie.

Le souvenir encore vivace de Tree of life rend les choses encore plus dures pour eux deux, la comparaison avec le couple Brad Pitt – Jessica Chastain tournant très largement en leur défaveur. C’est encore pire pour l’irritante petite fille qui complète la famille recomposée ; difficile de concevoir que le réalisateur qui l’a choisie et dirigée est le même que celui qui rendait si inoubliables les deux jeunes frères de Tree of life. Cet effet grossissant les lacunes d’À la merveille n’agit pas que pour les acteurs. Sur tous les aspects ou presque, la petitesse de ce film cadet est malheureusement rendue encore plus criante par la majesté de son aîné, dont il est finalement trop proche dans le temps et dans l’apparence. À la merveille ne sonde pas l’essence absolue de l’humain, il ne dialogue jamais non plus avec l’infini, par-delà les époques, les civilisations (les face-à-face dans La ligne rouge et Le nouveau monde) ou même les espèces (les dinosaures de Tree of life). Il ne prend jamais son envol ; ce qui est peut-être voulu. Si tel est le cas, si la prise directe avec la réalité contemporaine est l’horizon souhaité du film, alors celui-ci est encore plus un revers. La platitude des décors – Paris de carte postale, Amérique rurale morose faite d’hypermarchés et d’enfilades de pavillons identiques – et la trivialité d’une intrigue linéaire (un couple qui se fait et se défait à répétition, par espoir puis par devoir) étouffent tout ce qui pourrait jaillir du film.

Au final, le propos de Malick pour À la merveille ne paraît pas aussi abouti qu’à l’accoutumée. Son cinéma a certes toujours été fait de tâtonnements et de soudaines illuminations, de collages et de découpages, mais ici il tâtonne sans illuminer, il colle et coupe par manque de solution plus que par conviction. Ainsi la place soudain centrale accordée, dans la dernière ligne droite, au prêtre et à son monologue intérieur sonne comme un ultime recours, compact et précipité ; un aveu d’impuissance à exprimer les pensées du film sur le thème de l’amour de manière plus diffuse, plus délicate. Le travail d’orfèvre que représente la fine dentelle de sensations et d’émois d’un long-métrage de Malick nécessite peut-être bien, après tout, cinq années ou plus pour être parachevé dans les règles de l’art. Reste alors à espérer que les prochaines tentatives, au pluriel puisqu’on compte trois projets de Malick rendus à différents stades de finition, infirmeront cette supposition.

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