• Welcome, de Philippe Lioret (France, 2009)

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Où ?

Au ciné-cité les Halles dans une des grandes salles, raisonnablement remplie

Quand ?

Jeudi soir

Avec qui ?

Ma femme

Et alors ?

Avant même sa sortie, Welcome a eu le mérite d’extirper au laquais Éric Besson (un jour, il faudra faire un film sur le destin tragique et méprisable de cet homme), par la force
de son démenti faussement outré face au film, l’aveu implicite que la politique de la France – et avec elle de la quasi-totalité des pays d’Europe occidentale – envers les migrants clandestins
qui arrivent sur son sol est abjecte, cynique et moralement injustifiable. C’est toujours ça de pris, même dans le cas décevant où les spectateurs ne seraient qu’une minorité à aller voir le
film.


Ironiquement, un échec commercial de Welcome serait une preuve que le long-métrage a plus que tapé dans le mille dans sa description de l’état général d’abattement et de lassitude
de la France et de ses habitants vis-à-vis des problèmes du monde extérieur. Dans le rôle principal de Simon, Vincent Lindon en porte tous les symptômes : éreinté par le passage des années,
ses meilleures étant derrière lui (une belle carrière de nageur), vivotant dans un métier insignifiant – maître-nageur à la piscine municipale – et que l’on imagine pas particulièrement bien
payé, divorcé avec la télévision pour seule compagnie et des voisins acrimonieux. Welcome ne cherche pas à dire que nous en sommes tous rendus là, mais à un niveau macroscopique
l’allégorie a son bien-fondé. Simon n’est pas un mauvais gars, il ne reste pas insensible face au flot permanent de migrants qui arrivent dans sa ville de Calais et y stagnent dans l’attente d’un
hypothétique passage en Angleterre. Il va venir en aide à l’un d’entre eux, le jeune irakien Bilal, et même l’héberger chez lui bien que ce ne soit pas toujours que pour de nobles raisons
(impressionner son ex-femme, réaction d’orgueil face aux menaces).


Welcome est bien sûr loin d’être le premier à aborder le thème de l’immigration - les ressorts dramatiques de son intrigue sont plus ou moins les mêmes que, par exemple, ceux
de Par la porte d’or (1941) car malheureusement
la situation est sensiblement la même. Philippe Lioret marque cependant les esprits, car on n’attendait pas du réalisateur des honnêtes mais mineurs Mademoiselle et Je vais
bien, ne t’en fais pas
un tel film. Welcome n’est pas là pour séduire, amadouer ou persuader ; il montre, sans faux-semblants. Les vingt premières minutes sont ainsi
de facture documentaire, la caméra rivée aux chaussures et aux yeux de Bilal entre son arrivée à Calais et l’échec d’un passage en camion qui le voit relâché dans la nature par la justice. Mineur
en provenance d’un pays en guerre, il ne peut en effet être expulsé… mais la France ne fera pas pour autant quoique ce soit pour lui, au nom de la sacro-sainte et inepte crainte de
« l’appel d’air » – si l’on aide ces clandestins, d’autres viendront après eux (comme si le fait de les maltraiter comme nous le faisons actuellement avait un quelconque effet
atténuateur sur leur nombre…).


L’intrusion de Simon dans le récit n’en change pas fondamentalement les contours. L’âpre réalité reste le fil rouge du film, pour Bilal (la queue pour la soupe populaire, les violences entre
migrants) comme pour Simon (la grogne des voisins, la politique du chiffre appliquée en mode passif/agressif pars la police). Lioret développe avec entêtement son idée centrale de peinture d’un
état proche de celui de la collaboration avec les nazis, thèse qui a déclenché l’ire du ministre de l’Immigration et de l’Identité Nationale mais qui a des arguments à faire valoir. A commencer
par cette possibilité dégueulasse de pouvoir mettre en garde à vue quelqu’un pour « aide à personne en situation irrégulière ». Cela peut être héberger un migrant, comme dans le film,
ou recharger son téléphone portable comme dans cette affaire. Pour
déployer ce fil narratif jusqu’à sa conclusion tragique, Lioret suit méthodiquement et avec beaucoup d’à-propos des recettes de film d’horreur, ou de thriller : un héros qui s’enfonce sans
le savoir dans une histoire qui le dépasse et peut le mener à sa perte, des personnages secondaires qui tentent de le mettre en garde sans pouvoir trop en dire, un plan final mémorable et d’une
grande simplicité, où explose au visage du spectateur toute la brutalité et le tragique de ce qui vient de se jouer devant nos yeux.

Welcome n’est pas exempt de défauts. La musique n’est pas au niveau du reste, et s’il échappe à pas mal de chausse-trappes scénaristiques (la relation entre Simon et son ex, les
rêves romantiques d’adolescent de Bilal) Lioret en a laissé passer un – la description de la famille que Bilal cherche à rejoindre à Londres, qui accumule les clichés au point de frôler le tir de
balle dans le pied. Mais il ne s’agit là que de points de détail comparés à la droiture, la résolution, l’intelligence cinématographique dont fait preuve le cinéaste. Espérons juste qu’il n’ait
pas trop raison, et que Welcome ne soit pas l’acte notifiant le dépassement d’un point de non-retour.

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