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- Une journée en enfer (Die Hard with a vengeance), de John McTiernan (USA, 1995)
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Où ?
A la maison, en DVD zone 2 du coffret Die hard acheté il y a plusieurs années (la nullité des menus des DVD nous le rappelle bien)
Quand ?
La semaine dernière
Avec qui ?
Ma femme, et mon frère, en complément d’une soirée Lost
Et alors ?
Taaa-dam… Pam. Taaa-dam… Pam. Hot town, summer in the city… La chanson Summer in the city des Lovin’ Spoonful démarre, le titre du film surgit violemment sur
l’écran, les plans d’ensemble s’enchaînent pour poser le contexte. C’est New York, c’est l’été, il fait chaud. Et une bombe explose dans un grand magasin. La musique s’arrête, les voitures
s’arrêtent, et le film démarre. Le film est même obligé de démarrer, comme l’atteste la scène suivante, dans laquelle un coup de téléphone passé par le méchant à la police non seulement
réclame l’inspecteur McClane (Bruce Willis), mais lui assigne une mission immédiate sous peine de voir exploser une autre bombe. À partir de là, et jusqu’à l’autre bout du film ou presque, le
héros et son acolyte d’un jour, Zeus (Samuel L. Jackson), vont être trimballés aux quatre coins de la mégalopole new-yorkaise, menacée et défigurée de fond en comble.
Littéralement de fond en comble : des souterrains du métro aux grands espaces de Central Park, du Nord (Harlem) au Sud (Wall Street) et de l’Est (la route périphérique FDR) à l’Ouest
(les berges de l’Hudson), l’ancrage géographique du scénario dans la ville ne tient plus seulement du folklore mais représente le point central de sa dramaturgie. Et ce d’autant plus que les
destinations ciblées comptent autant que les trajets qui les séparent – le temps imparti à McClane et Zeus pour rejoindre chaque nouvelle énigme étant décompté, il faut parer au plus pressé et
couper au plus court – et leur anonymat au sein d’une des plus grandes villes du monde. Lorsqu’une bombe est annoncée dans une école, avant de pouvoir désamorcer celle-ci, il faut commencer par
désamorcer le fait que New York compte des dizaines d’écoles… De la même manière que le développement d’un personnage permet de le rapprocher émotionnellement du spectateur et de
décupler d’autant l’impact de la tension liée aux menaces pesant sur ce personnage, la place dévolue dans Une journée en enfer à l’immensité, la densité, la variété de New York
confèrent à la ville-monde, avec laquelle tous les spectateurs partagent déjà un lien unique et personnel, une présence quasiment organique. Et l’éventualité de sa destruction par une bande de
détraqués nous prend aux tripes et ne nous lâche plus pendant deux heures. Dans ces conditions, la présence fréquente et volontaire du World Trade Center dans le cadre, ainsi que l’évocation du
premier attentat de 1993, prennent un éclat presque prophétique.
Taaa-dam… Pam. Taaa-dam… Pam. Hot town, summer in the city… La chanson Summer in the city des Lovin’ Spoonful démarre, le titre du film surgit violemment sur l’écran, les
plans d’ensemble s’enchaînent pour poser le contexte. C’est New York, c’est l’été, il fait chaud. Et une bombe explose dans un grand magasin. La musique s’arrête, les voitures s’arrêtent, et le
film démarre. Le film est même obligé de démarrer, comme l’atteste la scène suivante, dans laquelle un coup de téléphone passé par le méchant à la police non seulement réclame
l’inspecteur McClane (Bruce Willis), mais lui assigne une mission immédiate sous peine de voir exploser une autre bombe. Vous ne connaissez pas John McClane ? Tant pis, pas le temps, le film doit
avancer, la menace être écartée en espérant qu’il s’agisse de la dernière. Il n’y a pas que New York qui est en situation d’exploser dans Une journée en enfer ; le modèle du film
d’action / suspense est placé dans le même état critique. Le contrat classique, hitchcockien du genre est en effet rompu puisque le scénariste des péripéties imposées au héros et le méchant sont
ici une seule et même personne – une collusion explicitée visuellement par McTiernan à mi-film, lorsqu’un plan du plateau de jeu (New York) et des pions (les policiers) vus depuis le toit d’un
gratte-ciel est conclu par un mouvement panoramique révélant qu’il s’agissait là d’un point de vue non pas objectif mais subjectif ; celui du méchant, joué par le toujours irréprochable Jeremy
Irons.
C’est une fois qu’il est dévoilé que le dispositif pervers du film touche au grandiose. Depuis Hitchcock, on sait qu’un film doit rendre les menaces qu’il impose à ces protagonistes vitales pour
eux (ou tout du moins laisser croire qu’elles le sont), afin de valider leur légitimité et leur intérêt auprès du spectateur. Dans Une journée en enfer, à partir du moment où le
but véritable du méchant est explicité, il devient évident que les parties de Simon says… (l’équivalent américain de notre « Jacques a dit… ») auxquelles il convie McClane
et les autres policiers n’ont d’autre but que de les égarer, et ont dès lors toutes les chances de mener à des bombes dont l’explosion sera indolore. Il devrait alors n’y avoir aucun intérêt
cinématographique à nous faire suivre une telle piste en supplément de l’intrigue que nous savons centrale. C’est tout le contraire qui se produit, le film parvenant par la combinaison
prodigieuse de son script, de sa mise en scène et de son interprétation à donner un intérêt double à ces séquences. Il y a au premier plan l’intérêt ludique, impérissable, de la
résolution d’une énigme et de l’évacuation d’un danger, même factice (poussant en cela à l’extrême le fait qu’un danger de cinéma est, au fond, toujours factice pour le spectateur) ; et
en arrière-plan, de façon diffuse, un intérêt goguenard, intellectuel, semblable à celui qui nous habite devant un tour de magie : comprendre si l’on se fait flouer, comment, et à quel moment
notre attention a été déviée.
Et les personnages dans tout cela ? Ils n’existent pas, ou si peu – j’ai déjà évoqué le fait que McClane n’était en aucune sorte réintroduit auprès du public ; Zeus entre dans l’histoire par
hasard, et sans y avoir été prévu, et le méchant / scénariste utilise sa pseudo raison d’être dans le film comme le plus efficace de ses multiples leurres. La réussite du film tient justement à
ce sacrifice des personnages au profit de l’efficacité et du rythme du récit. Une journée en enfer se rapproche en cela du monde alors émergent du jeu vidéo, où le réalisme des
situations doit savoir s’effacer afin que l’expérience de jeu reste la plus ludique possible. Cet effacement impacte principalement les aspects rébarbatifs (l’apprentissage simplifié des
compétences) ou déplaisants (la mort et la douleur, dépeintes de la manière la plus neutre et épurée qui soit) de la vie de notre avatar vidéoludique. C’est exactement le même processus qui est à
l’œuvre ici : pour que les atouts propres au film d’action s’expriment pleinement, tout ce qui se rapporte à la « vraie vie » doit en être expurgé. Quand on sait tout ce que ce genre
cinématographique, dans la foulée de Matrix, a emprunté par la suite au jeu vidéo, le qualificatif de précurseur paraît presque faible pour Une journée en enfer.
Derrière l’image idyllique du succès commercial venu récompenser une folle ambition, la genèse de Une journée en enfer contient les prémisses des difficultés de McTiernan avec le
système hollywoodien (difficultés que je décris en détail dans cette
chronique). Le DVD du film contient la fin originellement prévue – qui n’avait aucune chance d’être acceptée par le studio. Situé plusieurs années après le reste de l’action, dans une
ambiance dérangeante faite de cadrages désaxés et de ténèbres étouffantes, cet épilogue avalise le succès du méchant (il a conservé son immense butin) ainsi que sa perfidie (il s’est débarrassé
de tous ses complices) et la déchéance du héros, définitivement quitté par sa femme et viré de la police. Pire encore, McClane est bien engagé sur le chemin menant au côté obscur : il rend
désormais sa propre justice en marge de la loi et en s’appropriant les méthodes de son ennemi, exécuté au bout d’une ultime partie, truquée, de Simon says. Une fois qu’on a vu ce final,
on comprend mieux pourquoi la Fox a accepté d’aligner les dollars pour le feu d’artifice hors de prix et particulièrement crétin qui l’a remplacé dans le montage définitif.