• The X-files : régénération, de Chris Carter (USA, 2008)

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Où ?
Au Loews Theatre de San Francisco, sur Mission Street

Quand ?
Vendredi soir, le jour de la sortie ; mais tout le monde n’en avait encore que pour The dark
knight
, sorti la semaine précédente et qui fait encore salles combles (avec un immense réservoir de spectateurs laissés hors des salles et qui rempliront donc les séances des jours
suivants)

Avec qui ?
Ma femme, qui n’avait jamais vu la série – et veut maintenant la découvrir

Et alors ?

Chris Carter, le cerveau à l’origine d’une des séries les plus marquantes de l’histoire de la TV, a eu une vision : un bataillon d’agents du FBI marchant en ligne sur un lac gelé et plantant à
chaque pas devant eux leurs bâtons dans la neige à la recherche d’un corps. Sur grand écran, l’image est superbe (de même que tout le décorum visuel du film, qui se déroule intégralement sous une
neige étouffante qui n’en finit pas de tomber, à l’instar de la pluie dans Se7en) ; et elle justifie presque à elle seule la réalisation de ce long-métrage à la génèse baroque et
dont l’existence même est incongrue. La série X-files est en effet finie depuis 6 ans, soit une éternité à une époque où le buzz télévisuel d’une année est déboulonné sans
ménagement 12 mois plus tard par un nouvel arrivant. Ce laps de temps, dû entre autres à des problèmes juridiques entre Carter et la Fox, a finalement été bénéfique au film.


Délesté de la tyrannie de l’instant présent et de l’intérêt des médias, aux commandes d’un budget modeste, et sans doute aidé par le retour en grâce de son acteur principal David Duchovny
(avec la série Californication), Carter semble avoir eu carte blanche. Cela se ressent sur des détails
plaisants, par exemple une exposition en fanfare rehaussée d’une plaisanterie frontale sur George W. Bush et d’une autre toute aussi osée sur les pédophiles ; également un final aussi
jouissivement grotesque, déjanté et gore qu’une bonne vieille série Z. Mais cette liberté nouvelle se ressent par-dessus tout dans l’importance donnée aux 2 personnages phares de Mulder et Scully
au sein du récit.


Régénération est pour Carter l’occasion de reprendre enfin le contrôle sur son bébé, qui lui avait échappé de par sa longévité et son succès. Par un amusant renversement des
valeurs, l’efficacité et la concision dont faisait preuve la série pour raconter ses histoires sont ici employées avec talent pour un résultat inversé. Le cas paranormal qui sert de prétexte au
récit (un prêtre révoqué pour pédophilie clame avoir des visions pouvant permettre de résoudre l’enlèvement d’un agent du FBI) est expédié à intervalles réguliers via des scènes réussies mais
rapides et sèches, et passe dès lors au 2nd plan par rapport au développement des personnages. L’évolution psychologique de ceux-ci au cours de ces 9 années, épuisantes et remplies d’événements
traumatisants est tout ce qui reste de la série. Les 2 seules références explicites au passé sont la perte de la soeur de Mulder et celle du fils de Scully ; et tout ce qui constituait le fonds
de roulement hebdomadaire de la série a été balayé. Pas d’apparition des rôles secondaires récurrents, pas de énième réintégration des 2 agents au sein du FBI (ils jouent de bout en bout un rôle
de consultants de luxe)… et même aucune référence à la fameuse conspiration gouvernementalo-extraterrestre.


Après The dark knight, et sur un mode bien plus mineur, The X-files est un 2è blockbuster étonnament adulte cet été. Loin de tout fétichisme geek, Chris
Carter raconte avec une mélancolie appuyée l’histoire d’un couple de quarantenaires marqués par la vie et par leurs choix. L’excitation de leur jeunesse est derrière eux, mais les répercussions
de celle-ci les hantent à chaque instant : le vide familial de Mulder, la remise en cause de la foi religieuse de Scully. Les scènes les plus fortes du film (et elles sont nombreuses) sont dès
lors les dialogues à 2 personnages – entre Mulder et Scully, dont la relation de couple mature est remarquablement rendue et assez unique dans un blockbuster ; ou entre Scully et le médium, qui
intéresse plus Carter pour son statut d’homme de Dieu passé dans les ténèbres que pour ses visions surnaturelles. L’auteur-réalisateur fait preuve dans ces scènes d’un véritable talent de
dialoguiste, pour aller sonder – sans les juger – la noirceur et la fragilité enfouies au fond de ses personnages (Mulder et Scully, mais aussi les autres). Se faisant, il parvient à établir un
lien non pas superficiel mais profond et durable avec le spectateur – le but que devrait viser tout long-métrage.

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