• The killer inside me, de Michael Winterbottom (USA, 2010)

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Où ?

Au ciné-cité les Halles

Quand ?

Dimanche après-midi

Avec qui ?

Seul

Et alors ?

 

Réalisateur aussi productif (dix-huit films en seize ans) que touche-à-tout et inégal, Michael Winterbottom semblait ces dernières années s’être polarisé sur des œuvres « à message »,
sous forme de fiction – Un cœur
invaincu
–, de documentaire – La doctrine du choc – ou de mélange des deux – The road to Guantanamo. Le retrouver aux
commandes d’une adaptation de roman noir, dénuée de toute arrière-pensée ou connexion avec l’actualité, est donc une surprise, même venant de lui. The killer inside me
devait initialement être mis en scène par Marc Rocco, que Winterbottom a remplacé au pied levé. De là vient peut-être le fait que sa réalisation soit si neutre, si effacée alors que l’homme n’est
habituellement pas avare en effets tapageurs, pour le meilleur comme pour le pire. Il se contente de mettre en images le script qui lui est arrivé dans les mains, meurtre après meurtre, monologue
après monologue et ellipse après ellipse (qui font qu’on ne saisit pas tout ce que savent les personnages). The killer inside me est du coup un de ses bons films, ni
excellent ni mauvais ; de même, c’est un film noir dans la bonne moyenne, ni mémorable ni méprisable.

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L’histoire est tirée d’un roman de Jim Thompson (aussi auteur des romans à l’origine des Arnaqueurs de Stephen Frears, de  Coup de torchon de Bertrand Tavernier…), qui prend place dans les années 50 – période que personne n’a jugé nécessaire de changer.
Le film ne fait pas pour autant dans la reconstitution pittoresque, le seul élément d’époque sur lequel il se plait à insister étant sa musique folk. L’une des qualités certifiées de Winterbottom
étant son talent pour filmer la musique (cf. son docu-fiction 24 hour party people), la forte densité de chansons sert le long-métrage, son rythme et son ton, plutôt que
l’inverse. L’autre chose pour laquelle on sait Winterbottom doué est le traitement du sexe – cette fois, c’est à 9 songs et ses ébats non simulés auquel on peut se
référer. Du sexe, l’intrigue de Thompson en contient à haute dose puisque son héros Lou est du genre à faire l’amour à sa fiancée (Amy, Kate Hudson) et à sa maîtresse (Joyce, Jessica Alba) chaque
fois qu’il les voit. « Faire l’amour » n’est peut-être pas le terme le plus approprié, Lou et ses partenaires appréciant les fessées et autres usages actifs que l’on peut avoir d’une
ceinture. La présence de Winterbottom plutôt que d’un réalisateur américain forcément plus pudibond derrière la caméra est un bienfait, car un éventuel passage sous silence de cette atmosphère
sexuelle décomplexée aurait porté préjudice au film.

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Mais les accès de violence de Lou ne s’expriment pas que dans le cadre confiné des jeux sexuels entre adultes consentants. C’est lui qui ressent la présence du killer en lui, et une fois
la machine lancée – pour une histoire de vengeance qui se consomme froid – plus moyen de l’arrêter. Pour camoufler ses meurtres, Lou en commet de nouveaux envers ceux et celles qui pourraient le
confondre. Cette pathologie du personnage permet de révéler deux choses. D’abord, que Winterbottom est également pas mauvais du tout pour filmer la violence et la sauvagerie. Ni voyeur malsain ni
spectateur apeuré qui détourne le regard à la première menace, il instaure le rapport juste entre notre œil et les actes du personnage. La seconde révélation est celle de Casey Affleck en bad
guy
déjanté. Ses interprétations toujours ambigües laissaient espérer une telle aptitude à incarner le Mal, chose que le rôle de Lou confirme au-delà des attentes. Il donne corps à la fêlure
mentale qui habite le personnage, sans avoir besoin pour cela de la rendre explicite. En surface, Lou cache aussi bien son jeu pour le public que pour les personnes qui le fréquentent. Ce n’est
que parce que nous avons accès à ses pensées intérieures et à ses moments d’isolement que nous pouvons saisir ce qu’il est réellement. Casey Affleck fait ce qui est attendu de lui : porter
le film sur ses épaules. Ainsi on oublie certes The killer inside me dès la sortie de la salle, mais au moins on n’a pas décroché en cours de route.

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