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- R.A.S. Nucléaire, rien à signaler, d’Alain de Halleux (France-Belgique, 2009)
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Où ?
À l’Espace Saint-Michel
Quand ?
Vendredi soir, à 22h
Avec qui ?
Ma femme
Et alors ?
R.A.S. Nucléaire est un bel exemple de la porosité des frontières entre les différents médias audiovisuels. Ce documentaire produit par Arte et conçu pour une diffusion TV
bénéficie en effet après celle-ci d’une distribution dans les salles obscures – à l’Espace Saint-Michel (décidément un des lieux indispensables de Paris pour le cinéma d’actualité) et dans une
salle à Privas, en Ardèche, près de la centrale de Cruas. Le choix de ce second endroit n’a rien de neutre, puisque cette installation nucléaire s’est retrouvée par la force des choses au cœur du
film : ses auteurs ayant accordé fort logiquement une place majeure à la grève d’un certain nombre de sous-traitants, redoublée d’une manifestation citoyenne des villages voisins, qui a bloqué
l’accès à la centrale pendant plusieurs jours. Plusieurs initiateurs de ce mouvement avaient été auparavant interviewés par les documentaristes ; il aurait dès lors été incongru de ne pas revenir
à leurs côtés au moment où ils donnaient par leur action une exposition publique forte aux problématiques et aux craintes relayées par R.A.S. Nucléaire.
Les contraintes fortes de durée (moins d’une heure) et de budget liées à l’origine télévisuelle du projet font que cet impromptu l’empêche malheureusement de donner la place qu’il faudrait (et
que les auteurs le souhaiteraient) à des points critiques tels le laxisme et les non-dits au sujet des incidents d’exploitation ou bien les incertitudes quant au démantèlement des centrales. Ces légères carences ne pèsent cependant que peu de poids face au mérite
principal de R.A.S. Nucléaire : expliciter le fait que le circuit de fonctionnement soi-disant parfait du nucléaire, en plus de ses failles structurelles toujours pas résolues en
amont (la dépendance envers d’autres pays pour l’obtention d’uranium, une ressource qui plus est finie) et en aval (la question des déchets et des rejets, traitée assez exhaustivement dans un
autre documentaire Arte, Les déchets du nucléaire), est en train, en silence, d’en ouvrir une potentiellement béante en son cœur. Une brèche dont les causes et les effets
rappellent un refrain rebattu : course obsessionnelle au profit, coupes dans les effectifs, recours abusif à la sous-traitance, dilution des responsabilités, salaires de misère, qualité du
travail reléguée en bas de la liste des préoccupations, démotivation des ouvriers voire pour les plus fragiles ou les plus pressurisés mal-être profond et suicides.
Les mêmes mots, les mêmes détresses, les mêmes engrenages ont déjà été vus et entendus cette année dans J’ai (très) mal au travail ou dans le documentaire
La mise à mort du travail diffusé sur France 3. Qu’ils ressurgissent dans un domaine aussi sensible que le nucléaire ne fait pas qu’écœurer et révolter, comme lorsque de telles
pratiques sont révélées chez Auchan ou Carglass ; cela glace littéralement le sang. Et l’interdiction presque totale faite aux auteurs de R.A.S. Nucléaire – de même qu’à ceux
d’autres films sur le sujet – de pénétrer dans les installations pour y tourner des images donne alors involontairement au documentaire un hors-champ terrifiant, semblable à celui des classiques
du cinéma d’horreur… Considérations cinéphiles mises à part, il est de plus en plus difficile de se montrer indulgent, pour ne pas dire confiant, à l’égard de l’industrie du nucléaire.