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- London river, de Rachid Bouchareb (France-Angleterre, 2009)
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Où ?
Sur la « catch-up TV » de Arte (http://plus7.arte.tv), où tous les programmes diffusés sur la chaîne sont disponibles pendant les sept jours qui suivent… même les films
présentés en avant-première (il sort en salles en septembre) comme London river.
Quand ?
Dimanche après-midi
Avec qui ?
Ma femme
Et alors ?
Après le choc que fut Indigènes, alliance
probante du film de guerre à grand spectacle à l’américaine et d’une conscience identitaire aiguë et polémique, on était curieux de voir où allait rebondir le réalisateur français d’origine
algérienne Rachid Bouchareb. Réponse : de l’autre côté de la Manche, à Londres, pendant quelques jours au mois de juillet de 2005. Le changement géographique et temporel est radical, mais le
thème sous-jacent qui nourrit le film reste proche – les collisions, forcées par l’évolution accélérée des moyens de transport, entre des cultures pas habituées à vivre côte-à-côte. Aux soldats
nord-africains et aux français de la métropole occupée d’Indigènes succèdent ici la communauté musulmane d’un quartier londonien et des anglais « de souche » – une
surtout, la quinquagénaire Elisabeth qui quitte son petit bout de terre coupé du monde, sur l’île de Guernsey, pour retrouver la trace de sa fille Jane partie étudier à Londres et dont elle est
sans nouvelles depuis les attentats à la bombe du 7 juillet.
Malgré le jeu nuancé et émouvant de la toujours excellente Brenda Blethyn, la solitude de ce personnage est un des points faibles de London river. En plus de son propre parcours,
Elisabeth se retrouve à devoir être le porteur de tout ce que Bouchareb veut faire passer de messages plus collectifs sur la relation ambiguë de la communauté chrétienne envers la communauté
musulmane, pour parler en termes très génériques. Les points que le cinéaste soulève sont loin d’être en cause, car d’une grande justesse, en particulier la description du racisme initial de
Elisabeth, attitude épidermique, presque pavlovienne qu’elle est bien en peine de justifier dans des échanges de personne à personne. Mais leur concentration en un même protagoniste déséquilibre
le long-métrage dès lors que l’autre groupe est composé d’une demi-douzaine de visages, comme autant de facettes distinctes : l’épicier propriétaire de l’appartement où logeait Jane, l’imam
de la mosquée, une professeur d’arabe… et Ousmane, le père de Ali, le garçon avec qui Jane vivait depuis quelques semaines et lui aussi porté disparu.
Son physique solennel, sa démarche délicate, son positionnement au-dessus des potentielles querelles de clan (originaire d’Afrique noire mais vivant en France, musulman mais sans jamais en donner
le moindre signe durant tout le film…) et l’incarnation qu’en donne Sotigui Kouyaté – prix d’interprétation au Festival de Berlin – font de Ousmane une force tranquille, majestueuse, qui veille
sur le film et le tire vers une grande sagesse teintée de douceur. Parvenir à créer une telle ambiance sur un sujet aussi pesant qu’un attentat terroriste à la portée traumatique internationale
était une gageure. Elle est relevée haut la main par Bouchareb, grâce au personnage fédérateur qu’est Ousmane et grâce à l’adéquation trouvée entre la dimension temporelle et le rythme du récit.
London river suit la quête angoissée de ses deux héros au cours des quelques jours qui suivent immédiatement l’attentat, alors que le chaos est encore à son apogée. Il peut ainsi
repousser au maximum l’instant de la réponse à la question-clé (Jane et Ali comptent-ils au nombre des victimes ?), et dilater tous les détails, tous les actes au quotidien de ce temps
suspendu, incrédule face à ce qui vient de se produire. A cette temporalité très resserrée répond un montage fait de scènes très courtes, et donc une construction des personnages par petites
touches plus qu’à grands traits – une manière de faire qui était déjà une des clés de la réussite d’Indigènes. Ici encore, cela participe à nous approcher au plus près des
questionnements posés par le film et des tourments des individus qui le peuplent. Certes, London river nous abandonne sur un sentiment d’inachevé, une absence de clôture
rassérénante ; mais une telle fin peut tout à fait être vue comme solidaire du destin à venir des personnages, du manque désormais présent dans leur vie et que rien ne viendra combler.