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- La vie est belle, de Frank Capra (USA, 1946)
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Où ?
Dans le train entre San Francisco et Chicago, en DVD zone 2 d’une collection de classiques vendue avec le Figaro. Il s’agissait en réalité d’une copie très vite et très mal exécutée d’une VHS…
au contraste horrible (certaines séquences sont quasiment impossibles à voir tant la luminosité y est aveuglante) et aux sous-titres incrustés aléatoires
Quand ?
Vendredi soir
Avec qui ?
Ma femme
Et alors ?
La vie est belle est un film immensément joyeux, puis profondément triste, puis qui dans un ultime coup de rein prend à nouveau le parti de l’optimisme. C’est le grand-œuvre de
Frank Capra, par son ampleur (en 2h10, une duré inhabituelle pour lui, il couvre 30 ans de la vie d’un personnage et d’un pays, couvrant au passage la Grande Dépression des années 30 et la 2nde
Guerre Mondiale), ses protagonistes (les habitués du cinéaste que sont James Stewart et Lionel Barrymore se voient confiés des rôles d’une fabuleuse démesure), ses thématiques et sa visée
politique. La vie est belle n’est rien de moins qu’une fable sur l’humanité, via le microcosme de la petite ville typique américaine que représentent Bedford Falls et ses
habitants englobant dans un geste grandiose tout le spectre d’âges et de conditions sociales possibles.
Capra met un visage sur les 2 forces qui mènent ce monde globalement amorphe car pris dans l’instant présent. Ces puissances jouent sur les émotions basiques des humains : Lionel Barrymore / M.
Potter est le Mal, sous la forme d’un capitaliste misanthrope et cupide jusqu’à l’obsession, qui mise sur la peur et l’appât du gain ; James Stewart / George Bailey est le Bien, qui prête de
l’argent à perte, veille sur les autres et les fait toujours passer avant lui s’il sent que c’est là la bonne chose à faire. Par-dessus tout, il les inspire par son exemple ; et c’est dans le
sillage de cette étonnante et apparemment infinie force vitale qu’avance la 1ère moitié du film. La population de Bedford Falls surmonte l’un après l’autre les coups durs – individuels et
collectifs – ainsi que les coups bas de Potter par une grande solidarité forgée grâce à l’inspiration fournie par Bailey. Cet optimisme et cette force de caractère collectifs se propagent à la
forme du film, pleine de joie, de vitalité, d’assurance. Le montage est enlevé, les plans sont tous remplis à ras-bord de personnages, de gags, de mouvements, l’humour est haut en couleurs et
contagieux ; et partout ça danse, ça court, ça exprime ses émotions sans aucune gêne, même quand il s’agit de faire des blagues stupides ou de joyeux sous-entendus sexuels.
Après cet utopique portrait de groupe à l’exécution si ciselée que l’on y croit de tout notre cœur, La vie est belle effectue un brutal virage vers le tragique. Rarement un film aura aussi bien exprimé le proverbe
« l’erreur est humaine », dans tout ce qu’il a d’implacable mais aussi de pardonnant. Une simple maladresse d’1 humain banal va mettre en lumière la fragilité de cet édifice de bonté
(The dark knight 60 ans avant, en sorte) et l’extrême rapidité de la chute qui guette. Là encore
la mise en scène en ressent les effets, avec une formidable insistance sur la durée des scènes, et sur le caractère interminable d’une journée où tout va mal – plus d’une demi-heure, soit le 1/4
du film, est consacrée à cette veille de Noël au cours de laquelle George Bailey songe à tout laisser tomber, y compris sa propre vie. Cet étirement du temps nous plonge dans un malaise, un
désespoir semblables aux siens. James Stewart est alors merveilleux, portant le malheur du monde et du film sur ses épaules avec autant de conviction que lorsqu’il était l’énergie positive de
Bedford Falls. En sa compagnie, Capra touche dans La vie est belle à l’absolu tant du bonheur que du drame.
Quant à l’happy-end renversant et fédérateur (tout à fait dans le style du cinéaste) qui vient conclure ce conte en nous faisant entrer dans la fête avec autant de fantaisie que les personnages
n’en démontrent eux-mêmes, il est plus malin qu’il n’en a l’air. En effet, l’intervention extérieure surnaturelle mise à contribution (divine ici) n’est pas la cause directe du happy-end, à
savoir la récupération de suffisamment d’argent pour contrer un énième assaut de Potter ; elle permet juste que celui-ci ne soit pas gâché par le suicide de George Bailey. C’est ainsi encore une
fois l’humanité par elle-même, avec ses vertus de solidarité et combativité, qui trouve le moyen de s’en sortir – et cette fois-ci aucun sacrifice n’est demandé au héros, contrairement au schéma
qui semblait devoir se répéter sans fin. Capra pousse même l’(im)pertinence jusqu’à laisser Potter hors du champ du dernier 1/4 d’heure. Le message transmis est sans appel ; on peut tout à fait
(et c’est même le seul moyen) s’en sortir en ignorant purement et simplement les riches aigris solitaires et leurs médiocres combines.