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- Julia, de Erick Zonca (France, 2007)
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Où ?
Au cinéma des cinéastes, dans la grande salle
Quand ?
Jeudi soir
Avec qui ?
Ma femme, et une vingtaine de personnes
Et alors ?
10 ans. C’est le temps qu’Erick Zonca a jugé nécessaire d’attendre avant de donner une suite au multi-primé La vie rêvée des anges. Le chiffre plane comme un mauvais
génie au-dessus de Julia, qui a pendant un long moment du mal à se départir de l’étiquette « tout ça pour ça ». Les territoires, les personnages et les thèmes
abordés par le film ont déjà été défrichés par d’autres depuis plus ou moins longtemps. Le désert californien qui fait le lien entre les USA et le Mexique est ainsi un classique du cinéma
américain (avec pour dernier avatar en date No country for old men), et le personnage
de Julia, femme solitaire, alcoolique et aussi forte que faible revient régulièrement ses dernières années, de Thelma et Louise à Bug, sans même parler bien sûr du Gloria de John Cassavetes duquel Zonca reprend
de manière appuyée l’argument.
Dans les 2 films, l’héroïne se retrouve kidnappeuse d’un gamin qu’elle ne connaît ni d’Eve ni d’Adam à moitié de son plein gré et à moitié par le jeu des circonstances – ici, une femme que Julia
rencontre à une réunion des alcooliques anonymes, qui est déséquilibrée mentalement et veut récupérer son fils. L’axe choisi par Zonca pour mener Julia est celui qui
guide la vie du personnage : le morcellement des événements, des journées qui jalonnent la vie de celle-ci, à cause de ses cuites et des black-outs qui suivent, compose un récit
haché, rempli d’ellipses et de coupes brutales qui accélèrent sans cesse l’histoire hors de tout contrôle. Dans la 1ère moitié du film, cela suffit juste à nous tenir accroché aux basques de
Julia, sans pour autant provoquer une adhésion totale. Le poids des films et réalisateurs ayant précédé Zonca sur le terrain sur lequel il s’aventure est un fardeau trop lourd, et
Julia semble voué à tomber dans un oubli rapide après son générique de fin – malgré la prestation électrique de Tilda Swinton, dévoreuse de pellicule et métamorphosée
physiquement par rapport à ses rôles habituellement froids et intériorisés, comme celui pour lequel elle vient d’obtenir l’Oscar du second rôle dans Michael Clayton.
Et puis, à mi-film, tout bascule. Zonca a l’idée géniale de défoncer – au propre comme au figuré – les barrières en envoyant Julia et son otage de l’autré côté de la frontière, au Mexique. Ils y
trouvent, sur fond de nouveaux paysages et entourés de nouveaux visages, une liberté étourdissante et salvatrice : toutes les destinations, toutes les rencontres, tous les futurs sont
possibles. Les personnages croisés dans cette 2è partie possèdent ainsi tous un double visage, loin des carcans de la société et du cinéma de genre américains, ce qui rend bien sûr l’intrigue
palpitante. De plus, dans la poussière et les bidonvilles de Tijuana, Zonca retrouve un milieu populaire plus proche de celui capté dans La vie rêvée des anges, et où il
est de toute évidence bien plus à l’aise. La preuve en est le jeu de piste à la fois ludique – pour le réalisateur – et inquiétant – pour l’héroïne – dans lequel il envoie Julia dans la dernière
portion de l’intrigue, qui est une double réussite de suspense et d’observation sociologique crue. Même s’il trébuche sur le final, où les ficelles employées pour arriver à ses fins sont
grossières, Erick Zonca parvient dans l’ensemble à faire de Julia un film accrocheur, sensible, fébrile – et dont l’on se souviendra.