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- For whoever might remain when it is over (Phénomènes (re) de M. Night Shyamalan et Diary of the dead de George Romero)
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Où ?
Au ciné-cité les Halles, dans 2 petites salles – vide pour Phénomènes (normal vu la séance) et pleine pour diary of the dead (qui ne passe déjà plus que dans
quelques cinémas)
Quand ?
Dimanche matin pour la 2è chance de Phénomènes, et mardi soir pour Diary of the dead
Avec qui ?
Seul pour le 1er, et avec mon frère pour le 2è
Et alors ?
La phase en exergue de cet article (en français : « pour quiconque serait encore là une fois la catastrophe passée ») n’est dite explicitement que dans un seul des 2 films
dont il est question ici – dans Diary of the dead, c’est la réponse d’un des filmeurs à un ami qui lui demande pourquoi il ne lâche pas sa caméra. Mais la question implicite que
cette réplique contient (restera-t-il quelqu’un après l’apocalypse qui est en train de se dérouler ?) ainsi que son sous-entendu brutal (la réponse ne dépend pas des personnages mais de
forces qui les dépassent) sont également au cœur du récit de Phénomènes, auquel j’ai donné une
seconde chance et dont je reparle plus bas. Romero et Shyamalan n’ont jamais fait autre chose que traiter de la fragilité de l’humanité face aux menaces intérieures et extérieures ;
toutefois, l’un comme l’autre n’avaient pas encore traité le sujet aussi frontalement, en en faisant l’unique horizon d’un de leurs films.
Chez Romero, c’est l’utilisation de la caméra subjective qui sert de vecteur à cette vision quasi nihiliste. Oui, cette même caméra subjective dont j’ai déjà beaucoup parlé dans ces pages, de
l’immense Cloverfield à l’opportuniste [REC]. Comme les réalisateurs de ce dernier, Romero fait
à mon sens l’erreur – à moins que… mais j’y reviendrai plus tard – de prendre ce procédé visuel comme un moyen et non comme une fin, en limitant de facto la puissance et l’intégrité.
En prenant comme héros une bande d’étudiants en cinéma, il rend la caméra subjective moins pure, moins « magique » que platement rattachée à un métier, à une justification d’être
entre ces mains-là précisément. Ce n’est alors pas un hasard si les scènes de mise en place du dispositif et de l’intrigue sont particulièrement poussives.
Cependant, une fois la machine enclenchée, Diary of the dead dévoile des qualités appréciables. La mobilité de la caméra et de ses porteurs place le film sur une autre voie que
celle des 4 précédents épisodes de la saga des morts-vivants de Romero. En multipliant les situations de carnage et de désolation, qui mènent tous à la même issue fatale et à la même fuite
désespérée, le réalisateur ne pose plus la question de savoir par quels moyens les rares survivants vont pouvoir continuer (à survivre), mais plus crûment s’il en existe dont l’espérance de vie
va dépasser la semaine. L’ambiance mortifère qui règne ainsi sur le film est remarquable, d’autant plus qu’elle s’accorde tout à fait à la mise en scène étriquée, incomplète qui est inhérente au
choix d’un point de vue subjectif. Diary of the dead s’épanouit d’ailleurs plus particulièrement lorsqu’il explore les limites formelles de son principe visuel, dans un sens – les
séquences montées à partir d’images provenant de téléphones portables ou de caméras de surveillance, encore plus partielles que celles d’une caméra subjective, sont parmi les plus efficaces -
comme dans l’autre (quand les héros mettent la main sur une 2è caméra, ce qui décuple les possibilités du film via de réjouissantes mises en abyme du filmeur filmé).
A côté de cela, Diary of the dead pose problème par sa duplicité non résolue entre des visions extrêmes fort peu compatibles du genre : la surenchère gore gratuite, presque
humoristique, et la réflexion théorisante sur le poids des images violentes et notre insensibilisation à celles-ci. Romero est très bon dans un genre comme dans l’autre, puisqu’il est tout aussi
capable d’imaginer des scènes gore étonnantes d’efficacité et de créativité (y compris dans l’utilisation d’effets spéciaux à la pointe, comme pour se rappeler au bon souvenir des petits jeunes)
que de mettre dans la bouche de ses personnages des monologues perspicaces sur la multiplication effrénée de par le monde des caméras, des images et donc des points de vue jusqu’à ce que tout
soit trop fragmenté pour qu’on y comprenne encore quelque chose. De Palma, un autre vétéran du 7è art, est parti du même constat pour Redacted; mais lui ne cherchait à divertir en même temps qu’à
faire réfléchir, ce qui est peut-être la faiblesse de Romero. A moins que… (voilà, j’y reviens) à moins qu’au lieu d’avoir intégré à son film une satire de notre époque moderne, il ait fait de
la réalisation même de Diary of the dead la satire en question. Les cinéastes en herbe auxquels il donne en apparence les commandes du film ne seraient alors à ses yeux qu’un
exemple parmi des millions d’autres de personnes croyant à tort apporter quelque chose au monde par ses enregistrements vidéo, et qui ne servent en réalité que leur propre ego ainsi que la
confusion généralisée qui règne. Si tel est le cas, alors le geste est étonnant et le film le meilleur de son auteur depuis la toute première Nuit des morts-vivants, il y a déjà
40 ans de cela.
Après revisionnage, Phénomènes semble devoir être lui aussi contre toute attente l’un des sommets de la carrière en cours de Shyamalan. Dans mon 1er billet consacré à ce film,
j’émettais à son égard 2 reproches : l’absence d’un second acte, et le manque de définition des protagonistes. Ces 2 critiques sont liées à une vision calibrée du genre, qui en réalité n’est
pas applicable à Phénomènes. Comme je l’ai déjà relevé, ce film est le récit d’une implacable sentence de mort, qui s’abat lentement mais sûrement (et surtout de façon
imprévisible) sur n’importe qui, n’importe où, pour des raisons et pendant une durée indéterminées. Le refus de faire rebondir l’intrigue à l’aide d’une interaction plus poussée entre des
personnages mieux définis psychologiquement est absolument dans la continuité de cette décision jusqu’au-boutiste : aux yeux de Shyamalan, face à une telle catastrophe les fondements, les
rêves et les craintes de chacun n’ont plus aucun intérêt – surtout quand chacun se replie sur soi (physiquement et moralement) et coupe tout lien social. Loin d’être un défaut, cette rigueur est
donc la qualité première de Phénomènes, qui le porte d’autant plus vers les sommets qu’elle se prolonge dans la forme du film – de sa lumière sèche et désolée à son montage au
cordeau, sans aucun superflu du premier au dernier plan.
P.S. : après Diary of the dead, mon frère m’a très intelligemment fait remarquer que 6 ans avant notre entrée effective dans le monde de la surinformation et du
« village global », ce même Shyamalan en avait déjà décrit les mécanismes et l’omniprésence un peu terrifiante, dans Signes… que je reverrai bien à l’occasion, du coup.