- Accueil
- Dans les salles
- Cinéastes
- Pas morts
- Vivants
- Abdellatif Kechiche
- Arnaud Desplechin
- Brian de Palma
- Christophe Honoré
- Christopher Nolan
- Clint Eastwood
- Coen brothers
- Darren Aronofsky
- David Fincher
- David Lynch
- Francis Ford Coppola
- Gaspar Noé
- James Gray
- Johnnie To
- Manoel de Oliveira
- Martin Scorsese
- Michael Mann
- Olivier Assayas
- Paul Thomas Anderson
- Paul Verhoeven
- Quentin Tarantino
- Ridley Scott
- Robert Zemeckis
- Roman Polanski
- Steven Spielberg
- Tim Burton
- USA
- France
- Et ailleurs...
- Genre !
- A la maison
- Mais aussi
- RSS >>
- Contre l’Italie : Il Divo, de Paolo Sorrentino (Italie, 2008)
Je like cet article sur les réseaux sociaux de l'internet!
Où ?
Au MK2 Quai de Seine, dans la grande salle
Quand ?
Jeudi après-midi (mon traditionnel ciné du jour de l’an, quand je ne suis pas au ski)
Avec qui ?
Seul
Et alors ?
L’Italie, c’est le soleil, les pizzas, la langue, la dolce vita. Pour tout cela, direction cet article. Mais l’Italie, c’est aussi soixante ans de gestion politique mafieuse et d’arrangements entre truands
depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Aujourd’hui, c’est Silvio Berlusconi ; hier, c’était le parti hégémonique Démocratie Chrétienne (D.C.), et plus précisément son éminence noire, Giulio
Andreotti, vingt-cinq fois ministre et sept fois premier ministre. Andreotti est encore aujourd’hui sénateur à vie, après ses acquittements à demi-mot dans les deux procès géants pour association
de malfaiteurs qui ont été menés contre lui, et dont la genèse est racontée dans ce film. Le réalisateur, Paolo Sorrentino, n’avait qu’entre 10 et 20 ans à l’époque des faits (il en a 38
aujourd’hui), mais il en a conservé une colère à laquelle carbure son Il Divo.
Sorrentino n’est pas là pour trouver une quelconque pondération entre les
accusations portées et le respect des incertitudes ou des circonstances. Dans son esprit, la quête d’un tel (et nécessaire) juste milieu, face à quelqu’un qui méprise notoirement la justice et sa
légitimité à appliquer les mêmes lois pour tous, est sûrement l’une des causes de l’échec des deux actions judiciaires menées contre Andreotti. Il Divo n’aspire dès lors
aucunement au statut d’enquête rigoureuse et méthodique (malgré la quantité presque indigeste de données factuelles qu’il nous fait ingérer dans ces premières minutes) ; le point de vue adopté
n’est d’ailleurs pas externe mais, plus perversement, celui de Andreotti tel que Sorrentino l’imagine dans son machiavélique quotidien. La voie suivie est celle du pamphlet inspiré, fulgurant et
corrosif. Sorrentino ne retient aucun de ses coups, allant jusqu’à lier – de fortes suspicions existent en effet – Andreotti aux assassinats d’Aldo Moro et du juge Falcone en plus des affaires de
Mafia et de financements occultes des partis politiques. Tout l’intérêt du film est que la forme donnée à cette matière particulièrement violente se réclame comme absolument cinématographique.
Il n’y aucun plan de Il Divo qui vise ne serait-ce qu’à un semblant de réalisme. Tout commence bien sûr par l’interprétation inhumaine d’Andreotti délivrée par Toni Servillo, un
tiers robot (sa démarche saccadée, ses tics de mains directement connectés à ce qu’il pense de son interlocuteur), un tiers gobelin (son physique rabougri, ses oreilles aplaties), un tiers démon
– son absence totale d’émotions, hormis lors d’un monologue explosif, à l’adresse exclusive du spectateur, qui fait penser à celui de La 25è heure. Mais dans la toile tissée par Sorrentino
autour de ce personnage, tous les éléments participent à bâtir une vision fantasmagorique des choses, un cauchemar baroque dont la complexité du montage et la virtuosité léchée de la mise en
scène évoquent les constructions mentales de David Lynch. Lumière crépusculaire aux teintes ocre et noire intensifiées (tout le film est tourné de nuit ou dans des intérieurs sombres ; tant pis
pour le légendaire soleil italien), décors étouffants, voix-off mystérieuse (on ne saura jamais vraiment à qui elle appartient), travellings d’une lenteur menaçante : Il Divo nous
plonge de manière sensorielle dans l’enfer du pouvoir italien tel qu’il est devenu, selon le point de vue subjectif de son réalisateur, entre les mains d’hommes comme Giulio Andreotti.