• Babylon A.D., de Mathieu Kassovitz (USA-France, 2008)

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Où ?

A la maison, sur la VOD Canal + (dans une VF médiocre mais bon, la VO ne pourrait de toute façon pas sauver le film)

 

Quand ?

Dimanche soir

 

Avec qui ?

Seul

 

Et alors ?

 

Avec tout ce qui avait pu être écrit de négatif l’an dernier à l’occasion de la sortie du film, je m’attendais à voir en Babylon A.D. un navet pur et dur. En lieu et place de quoi
je me retrouve avec un exemple à ma connaissance quasi unique de bazardage de scénario en plein vol.

L’absence apparemment définitive d’une hypothétique director’s cut ou d’une enquête retraçant pas à pas les relations électriques entre Kassovitz et la Fox (grand ogre hollywoodien et
coupable idéal qui, par la magie des accords de coproduction et de distribution, n’apparaît nulle part au générique de la version européenne du film) nous laisse avec des bribes d’informations et
des crevasses béantes à combler par des conjectures pour comprendre qui a été responsable de quoi. Alors allons-y, conjecturons gaiement.

1) Publiquement, le cinéaste français ne s’est plaint que du comportement méprisant et je-m’en-foutiste de la star Vin Diesel, et du fait que la Fox l’a empêché de tourner les scènes d’action
comme il le souhaitait. Les trois séquences que cette accusation inclue sont effectivement de beaux ratages : le combat d’ultimate fighting en cage entre Jérôme Le Banner et Vin
Diesel est un soufflé qui se dégonfle ; la poursuite entre motos-ski et drones de combat est d’une crétinerie sous testostérone bien hollywoodienne tant dans son principe que dans son
exécution ; et la grande fusillade finale est une bouillie de montage dont la nullité absolue laisse pantois.

Alors, coupable tout désigné la Fox ? Voire. L’intégration des yamakasi (oui oui, ceux-là même qui sont encore plus passés de mode que la tectonik) dans les à-côtés de la première des trois
séquences, qui représente le premier glissement de Babylon A.D. dans le ridicule, a beaucoup plus de chances d’être une idée de Kassovitz que du studio. Surtout, il faut garder à
l’esprit que ce dernier a dit qu’il aurait voulu faire de chaque scène d’action « une expérience métaphysique pour un des personnages ». Alors à choisir entre un potentiel
Blueberry bis et la bouillie actuelle, on n’est pas loin du match nul.

2) Une autre chose qu’il est concevable d’imputer à la Fox est la présence de scènes écrites à la truelle, saturées en clichés et qui de plus – circonstance aggravante – n’ont absolument rien à
faire dans le contexte de Babylon A.D.. Citons par exemple le flirt complètement absurde (avec
« le-presque-bisou-interrompu-au-dernier-moment-par-l’irruption-d’un-personnage-tiers-et-ensuite-un-échange-de-regards-gênés ») entre le mercenaire mâle insensible et le colis femelle
qu’il est payé pour mener à bon port. Le semi happy end et sa punch line terminale foireuse sont peut-être du même ressort, mais là un nouveau bémol s’impose : Kassovitz a déjà
montré avec Assassin(s) qu’il n’avait besoin de personne pour jouer au mec révolté et fleur bleue qui s’insurge dans de grands élans transportés contre des choses vraiment pas
cool (la télé et la violence dans Assassin(s), la guerre et la violence ici).

3) Mais la grande inconnue de Babylon A.D. reste, et restera, ce virage scénaristique à 180° au moment de l’arrivée des personnages à New York. Avant, le film est une adaptation
réussie – étonnamment réussie, même – du début (à la louche les 150 premières pages sur 500) du livre-fleuve de Maurice G. Dantec Babylon babies. Étonnamment, car en matière d’œuvre
inadaptable, Babylon babies se pose là. Kassovitz et son co-scénariste Éric Besnard ont fait un boulot admirable pour transformer en scènes cinématographiquement fonctionnelles et fortes
toute la mise en place littéraire des personnages et de l’arrière-plan géopolitique du livre. Le résultat est une trahison de chaque instant de la lettre, mais qui respecte à merveille l’esprit
de ce qu’exprime Dantec. En plus, c’est un support idéal sur lequel Kassovitz, avec sa casquette de metteur en scène cette fois, peut peindre des visions de cinéma telles qu’il sait les faire :
images qui impriment la rétine au premier coup d’œil (le monastère), scènes de foule sidérantes (l’arrivée au camp de réfugiés), montées de suspense superbes d’efficacité (la course vers le
sous-marin).

Après, la demi-heure de métrage restante est un bout-à-bout de cinq scènes extraites du reste du roman, reformatées pour leur donner un semblant de liant les unes avec les autres et clore tous
les points en suspens de l’histoire – y compris ceux qui n’avaient pas encore été ouverts. Tout cela en pure perte, bien sûr, la compréhension de ce qui se passe étant tout bonnement impossible
pour qui n’a pas lu le livre avec un tel rythme de progression. La thématique fascinante et foisonnante qui sous-tend le récit de Dantec tourne à la cacophonie tronquée de partout ; les rôles de
Charlotte Rampling et Lambert Wilson, charnières dans le roman, deviennent des spectres irrationnels et éphémères. (en ayant une scène dans la première partie, la bonne, Gérard Depardieu s’en
sort mieux) Pour tenir sur l’élan de la première heure du film, Babylon A.D. aurait dû durer les 2h40 évoquées par les rumeurs au sujet d’une version longue. La question est de
savoir à quel stade du projet cette longueur a été abandonnée : au montage, au tournage, à l’écriture ou au tout début, à la signature. Si ça a été à l’un des deux derniers de la liste,
c’est-à-dire très en amont, alors quelqu’un aurait tout de même pu relire le script et en suggérer une version plus faisable en 90 minutes tout rond.

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