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- A l’Ouest, rien de nouveau, de Lewis Milestone (USA, 1930)
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Où ?
Dans le train entre San Francisco et Chicago, en DVD zone 2 (d’une collection de classiques vendue avec le Figaro, en assez mauvaise qualité mais pas aussi horrible que La vie est belle)
Quand ?
Samedi matin
Avec qui ?
Seul
Et alors ?
La guerre est muette. Telle est la tonalité profonde de A l’Ouest, rien de nouveau, l’un des 1ers classiques hollywoodiens du film de guerre, réalisé par Lewis Milestone d’après
un roman d’Erich Maria Remarque (dont un autre livre sera adapté 30 ans plus tard par Douglas Sirk : Le temps d’aimer, le temps de mourir). La première séquence d’assaut d’une
ligne envers l’autre est ainsi foudroyante par sa durée et son absence de paroles, de sons humains. Le cinéma est un art parlant depuis quelques années déjà, mais c’est bien sur l’efficacité du
cinéma muet portée à son paroxysme que s’appuie Milestone, avec un travail sur le montage et le mixage stupéfiant pour l’âge du film. Plans d’ensemble fixes qui engloutissent l’ensemble des
combattants – des morts en sursis – et démesure dantesque des bruits stridents des armes et des bombes gardent toute leur force 80 ans après leur production. De plus, le format 4/3 apporte une
oppression qui s’est par la suite perdue avec la « tyrannie » de l’application systématique du cinémascope aux films de guerre. Les personnages sont littéralement piégés, sans aucune
issue envisageable ; une scène terrible au fond d’une cave, sous un interminable bombardement, exprime visuellement cet enfermement – qui pousse l’un des soldats dans la folie.
A l’Ouest, rien de nouveau n’entoure pas ces scènes brutes de briefings précédant les assauts, ou d’informations pratiques données aux personnages et aux spectateurs sur la
progression du conflit. Les carnages se succèdent à eux-mêmes, juste entrecoupés de pauses éphémères entre compagnons d’infortune. Les plus belles – et plus tristes – séquences du film tirent
profit de ce mutisme : une attaque au couteau d’un soldat ennemi filmée en silhouettes, suivie d’une lente agonie alors que la victime et l’assaillant sont piégés toute une nuit durant dans un
trou d’obus ; un passage à l’hôpital après une blessure, hôpital que Milestone traite avec une solennité mortuaire (de lents et implacables travellings avant et arrière dans l’allée centrale
entre les lits) cohérente avec le fait implicite que les soldats viennent plus dans ce lieu pour y mourir que pour y être soignés.
Le film souffre de manière indirecte du caractère très littéraire de ses dialogues, sûrement repris tels quels du roman. Cela n’est évidemment pas une mauvaise chose en soi : on y trouve de
superbes réflexions, franches et directes, sur des choses comme l’absurdité de la guerre, le sacrifice et l’exploitation des troufions de base, ou encore l’impossibilité de revenir à une vie
normale après une telle expérience). Mais ces répliques sont mises dans la bouche d’acteurs trop médiocres pour ne pas les massacrer à moitié et en ôter une grande partie du rythme, de la flamme.
Pour cette raison, A l’Ouest, rien de nouveau n’est pas aussi définitif que La grande parade, tourné par King Vidor quelques années plus tôt (1925) et avec lequel
il partage une même démesure et un même désenchantement final. Mais ses nombreux thèmes et scènes marquants ont assurément influencé nombre de films postérieurs, aussi divers que Starship
troopers (la première 1/2 heure se déroule exactement de la même manière, autour des mêmes thèmes), Forrest Gump (une scène de sauvetage sur les épaules du héros du
meilleur ami blessé aux jambes – mais au dénouement beaucoup plus tragique ici), Le temps d’aimer, le temps de mourir (le même épilogue brutal, arbitraire, qui fait se côtoyer la
beauté, la générosité et une mort abrupte, éclair), et sûrement bien d’autres.