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- All the boys love Mandy Lane, de Jonathan Levine (USA, 2006)
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Où ?
A la maison, en DVD zone 2
Quand ?
Jeudi soir, en séance de minuit (littéralement)
Avec qui ?
Seul
Et alors ?
Et un direct-to-dvd de plus cette année. Celui-ci n’a pas l’éclat de ses prédécesseurs Sky crawlers et Moon ; et même, en tant que slasher, il est peut-être finalement plus à sa place dans cette branche secondaire que
dans une sortie en salles forcément bâclée et confidentielle. Après tout, il attend depuis quatre ans d’être montré dans un autre cadre que des festivals… Certainement car il s’agit d’un
slasher atypique, difficile à cerner (et donc à cibler), progressant d’un bout à l’autre selon ses propres règles. La situation est pourtant des plus classiques : une bande
d’adolescents en rut, un week-end dans une grande maison isolée dans la nature, un tueur sadique qui taille dans les rangs des personnages avec l’ambition de faire place nette.
Mais la psychologie à l’œuvre en arrière-plan du scénario et l’atmosphère façonnée par la mise en scène de l’hécatombe mettent le film sur des rails différents. Une attention particulière est
portée au réalisme des personnages et de leurs actions, ce qui a pour conséquence de les emmener sur le chemin inverse de celui ordinairement emprunté par les protagonistes de ce genre de film.
Leur caractérisation initiale, qui se contente de les dégrossir suffisamment pour les ranger dans des cases (la bimbo, le fêtard, le sportif, la fille sage…), n’est pas une fin en soi vite
suppléée par le passage à l’action, mais un authentique point de départ sur la base duquel chaque individu va voir sa personnalité examinée et approfondie. Levine et son scénariste Jacob Forman
l’emportent sur ce terrain essentiellement grâce à leur assurance dans la description d’une sexualité crue et réelle – des paroles aux actes, des désirs aux rejets. Ce point qui est trop souvent
l’angle mort des slashers (à la base de tout, mais jamais sérieusement abordé) est véritablement au centre du jeu dans All the boys love Mandy Lane, et le film
y gagne une consistance qui le distingue.
La conséquence de cela est que, même une fois la tuerie engagée, les deux récits liminaires de la nuit d’excès des ados coupés du monde, et des stratégies des garçons pour emballer la virginale
Mandy Lane – en accord avec le titre du film – restent en place et continuent à se développer. L’ambiance dans laquelle se déroule le film est dès lors équivoque, en suspens entre la terreur et
la sauvagerie d’un côté, et l’observation de relations humaines normales de l’autre. L’action en extérieur et le mouvement physique d’une partie du film alternent, sans jamais communiquer, avec
les scènes en intérieur, statiques et volubiles, de l’autre. Il y a là une friction inattendue qui, et c’est là la grande idée de All the boys love Mandy Lane, n’est pas
confinée à la forme de l’œuvre mais trouve sa raison d’être au cœur de son intrigue. Comme tout slasher de deuxième génération qui se respecte, All the boys love Mandy
Lane recèle en son sein un retournement de situation qui redistribue les cartes à l’entrée du dernier acte. Son avantage par rapport à la concurrence est que ce twist est, à l’image
de ce qui a précédé, très réaliste. Il n’est pas comportemental (un personnage fou, schizophrène, etc.) mais situationnel – un plan machiavélique en branle depuis le départ, et que l’on ne
soupçonnait pas jusqu’à ce qu’on nous mette le nez dessus.
L’ambiguïté morale du film, latente depuis le début (depuis le prologue même, et son accident mortel plus ou moins volontaire), éclate alors au grand jour et orchestre chacun des derniers rebonds
menant le scénario à son dénouement, cynique en diable. Il n’y a aucun jugement de valeur bancal à l’embouchure de All the boys love Mandy Lane, aucune explication
psychanalytique vaseuse et confortable aux atrocités qui ont été commises de sang-froid devant nos yeux. Le film se montre de la sorte digne de sa filiation affirmée avec les œuvres de Larry
Clark (Bully, en particulier). Les personnages – ceux qui comptent, en tout cas – s’éloignent en emportant avec eux leur mystère, loin du credo hollywoodien voulant que
tout doive être élucidé et plus près de l’ambivalence que les frères Coen savent si bien cultiver. Le parcours de ces antihéros et
leur souvenir nous hantent d’autant plus une fois le film achevé.