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- Merci pour le chocolat, de Claude Chabrol (France, 2000)
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Où ?
A la maison, enregistré sur Arte lors de sa diffusion après le décès du cinéaste
Quand ?
La semaine dernière
Avec qui ?
MaFemme
Et alors ?
Avis : le texte qui suit est rempli de pépites croustillantes de chocolatspoilers.
Merci pour le chocolat est un film qui repose exclusivement sur la performance d’Isabelle Huppert. Ecrire cela n’est pas faire injure à Claude Chabrol et à sa
réalisation, puisque c’est lui-même qui a à dessein mis en place les conditions de cette dépendance, par l’architecture du scénario ; et qui l’a ensuite entretenue par ses partis pris de
mise en scène. De façon comparable à ce qui est à l’œuvre dans le tout frais dernier roman de Bret Easton Ellis, Imperial Bedrooms [en aparté, un fascinant récit sur la porosité entre la
réalité et la fiction, et l’emprise que cette dernière peut développer perfidement sur notre vie], Merci pour le chocolat s’articule autour d’un personnage central
résolument fou – dans le genre dangereux – mais dont la folie n’est pleinement explicitée que dans les derniers instants de l’intrigue. Un procédé proche de celui déjà employé par Chabrol dans
Le
boucher, mais porté dans le cas présent à un niveau encore plus insidieux, sibyllin. Car Mika-Isabelle Huppert est autrement plus intelligente que Popaul-Jean Yanne,
comme le démontre sa capacité à diriger et la florissante entreprise familiale de chocolat, et son foyer reconstitué, en même temps qu’elle empoisonne son entourage de manière littérale, secrète
et plus ou moins létale.
Cette domination impérieuse du personnage sur tous les autres, couplée à une absence totale – et typique du cinéaste – de fouille psychologique, rapproche le film du pur exercice de style,
aventureux et impeccablement exécuté mais aussi un peu distant et inconsistant. Mais le contrôle et l’intelligence de Chabrol lui permettent de s’installer en bordure de cette catégorie, dans une
zone trouble où interfèrent l’exercice de style manipulateur en question et quelque chose de plus badin et paisible. Ce quelque chose, c’est l’existence de tous les autres personnages, que
Chabrol s’amuse à emmurer dans un environnement où tout n’est que quiétude et volupté : pratique du piano comme principale activité, absence de tracas professionnels ou financiers, grandes
maisons aux lignes claires, le tout dans un cadre général qui est le cliché de la tranquillité – la Suisse. Chabrol filme ces gens et leur petit monde avec la même candeur de surface que pour le
village de province du Boucher. Il n’a nul besoin de l’abattre de front puisqu’il a dans sa manche le joker qui va l’altérer de l’intérieur, insidieusement et
inéluctablement, par ses pulsions meurtrières.
Sans Mika, Merci pour le chocolat ne serait rien d’autre qu’un long téléfilm tranquille, aux intrigues fantaisistes (le vague secret sur un hypothétique échange de bébés
à la maternité) et à la mise en scène désinvolte. Mais Mika est là, avec sa façon de se mêler de tout et en même temps de ne rien vouloir déranger, avec ses intonations étranges, ses phrases
suspendues, son rire à contretemps, ses actes imprédictibles a priori et indéchiffrables a posteriori. Sa folie est suffisante pour faire dérailler chaque scène où elle s’insère, mais assez
légère dans son expression pour tuer tout soupçon dans l’œuf. La mise en scène la laisse elle aussi libre de ses mouvements, sans l’enfermer dans un schéma précis – la folle, ou la tueuse comme
Popaul dans la dernière partie du Boucher. A un seul instant, charnière, Chabrol s’autorise à pénétrer l’esprit de Mika, mais toujours en conservant un point de vue
neutre. C’est un flashback subjectif (nous voyons un événement du passé en même temps que Mika s’en souvient) qui brise la linéarité temporelle et la sérénité du scénario. En regardant en
arrière, Merci pour le chocolat met à jour des choses que les personnages préféreraient laisser sombrer dans l’oubli ; il introduit ainsi dans son récit un biais
infime mais qui suffit à l’orienter dans une direction nouvelle, de plus en plus escarpée. Après quoi, se laisser balloter entre les deux pôles d’attraction du film jusqu’au final est pour le
spectateur succulent comme un bol de chocolat onctueux, gourmand et relevé d’une pointe d’amertume.
[...] dans sa manière de ramener les autres grands noms de l’époque – les cinéastes complices Chabrol, Rohmer, Rivette, mais aussi les mentors André Bazin ou Henri Langlois – au rang de [...]