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- The offence, de Sidney Lumet (Angleterre, 1972)
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Où ?
À la cinémathèque, toujours dans le cadre de la rétrospective Lumet (le film, inédit en France, bénéficiera d’une distribution commerciale à partir du 12 septembre)
Quand ?
Lundi soir
Avec qui ?
Avec mon compère de cinémathèque, dans la petite salle pleine à craquer (les 2 rangs réservés aux journalistes, avant-première oblige, n’y étaient pas étrangers)
Et alors ?
Dans mon billet concernant Le prince de New York, je parlais du Sidney
Lumet inventeur de formes télévisuelles. The offence, avec Sean Connery dans le rôle-titre, dévoile une autre facette de l’artiste, qui construit cette fois-ci sa mise
en scène autour d’un dispositif théâtral imposant son rythme et ses motifs au film.
Après un prologue aussi mystérieux que stylisé, The offence prend au cours de sa 1ère partie l’aspect d’un film policier classique dans son âpreté et son
désenchantement. Un violeur d’enfants sévit dans une ville anonyme et grisâtre d’Angleterre, et les opérations menées par la police pour l’arrêter après un nouveau passage à l’acte sont filmées
sans émotion, comme une déplaisante routine. Hormis une ambiance encore plus sombre que celle mise en place d’ordinaire dans ce genre de récit (les flics font un sale boulot, et ils le ressentent
durement), rien ne prépare vraiment au choc qui intervient au tiers du film, lorsque Johnson, l’un des inspecteurs en charge de l’enquête, bat à mort un suspect sérieux lors de son interrogatoire
en tête à tête. C’est la scène-clé de The offence, celle qui nous a été présentée sous une forme onirique – ralentis, lumière aveuglante – en ouverture, dont l’on voit
des fragments à présent et qui ne sera complètement élucidée qu’à la toute fin de l’histoire.
Suite à cette cassure, le reste du film tient en 3 longues scènes de dialogues à 2 personnages : Johnson et sa femme qu’il hait, Johnson et son supérieur chargé d’élucider l’affaire, et
enfin le flash-back complet de l’interrogatoire mortel. Prenant acte du fait que son héros a franchi la ligne entre le Bien et le Mal en tuant un homme, Lumet quitte l’enquête terre à terre,
basée sur des fondements tenus pour acquis (les policiers sont bons, les criminels mauvais) et à la couverture documentaire, pour le terrain de la psychologie, voire de l’âme – qui appelle donc
un traitement théâtral pour tenter de comprendre l’acte transgressif de Johnson. Après nous avoir montré d’où il vient (l’évocation avec sa femme de son mariage catastrophique et des crimes
horribles dont il a été témoin au cours de sa carrière de policier) et où il va – pendant l’interrogatoire avec son supérieur, il reprend inconsciemment des attitudes vues chez son suspect –, le
cinéaste va chercher dans le dernier acte, profondément dérangeant, à capter l’instant précis où Johnson bascule dans la folie.
A posteriori, la démarche fait penser à celle de David Lynch, dont la plupart des œuvres sont elles aussi à la poursuite de ce moment où la rationalité de l’esprit humain disjoncte et nous mène à
l’état de monstre. Lumet utilise d’ailleurs lui aussi de violents flashes d’images, rêvées ou remémorées, issues du cerveau de Johnson et qui viennent bousculer la linéarité de l’histoire ainsi
que sa cohésion. Il rend ainsi cinématographique son installation théâtrale, par ailleurs très maîtrisée : les échanges entre les personnages ont toujours un but précis, loin de tout
verbiage inutile, et les acteurs jouent sans fausse note ni exagération cette plongée en eaux troubles. Le plus marquant de tous étant Sean Connery, car son statut de star renforce le malaise (un
acteur inconnu jouant ce rôle d’homme normal succombant aux pires démons n’aurait pas le même impact) sans se faire sentir en aucune façon dans son interprétation.