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- Slumdog millionaire, de Danny Boyle (Angleterre-Inde, 2008)
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Où ?
Au Max Linder Panorama
Quand ?
Mercredi soir, pour la sortie du film en France
Avec qui ?
Ma femme, et une salle relativement remplie et enthousiaste au final
Et alors ?
Danny Boyle est décidemment insaisissable. Révélé dans les années 90 comme chef de file de la nouvelle vague hype anglaise (Petits meurtres entre amis,
Trainspotting), ressuscité au début de la décennie en cours en converti au film de genre (28 jours plus tard, Sunshine), le voici maintenant en favori des Oscars avec
un mélo 100% indien – à l’exception de lui-même, son scénariste et son chef-opérateur – se déroulant à Bombay sur quinze années et prenant comme point de départ l’émission de TV Qui veut
gagner des millions. Et cette fois comme les précédentes, il se sort par le haut de son improbable pari.
La réussite de Slumdog millionaire n’a rien d’extraordinaire, et tient en deux mots : intelligence et humilité. Arrêté par la police alors qu’il s’apprête à répondre à la dernière
question de l’émission, pour gagner 20 millions de roupies, Jamal, le slumdog (pouilleux) du bidonville, doit justifier comment il a pu connaître la réponse à chaque question jusque là.
Les premiers flashbacks contant sa vie ne vont pas plus loin que cet horizon – montrer l’anecdote, joyeuse ou triste, qui a suffisamment marqué Jamal pour qu’il soit en mesure de répondre
correctement plusieurs années plus tard. L’idée de raconter la vie d’une personne par le biais d’un jeu TV universellement connu est doublement astucieuse ; elle donne au scénario une porte
d’entrée familière sur un monde mal connu du spectateur occidental, et elle constitue une nouvelle déclinaison du principe selon lequel, avec un peu de discernement et de conviction, il est
possible de tirer une bonne idée d’œuvre d’art même sur la base de la culture populaire la plus éculée. Slumdog millionaire pourrait s’en tenir là. Très intelligemment, le
scénario du film se libère assez rapidement de ce pitch potentiellement plombant, dont la séduction ne durerait qu’un temps. L’énigme des bonnes réponses de Jamal devient vite
accessoire, résolue au cours du flashback voire dès le début. Le point focal du récit se déplace vers les personnages et leur destin tragique, sujet autrement plus puissant sur le long terme.
Et cela d’autant plus que le film se fond admirablement dans le moule de la civilisation qu’il vient observer, en y plaquant ses recettes scénaristiques – les multiples mésaventures du jeune
héros Jamal en font un lointain cousin du Oliver Twist de Dickens – mais jamais d’attributs occidentaux de personnages ou de société. Muni de son seul script et débarrassé de tous préjugés, Boyle
se jette caméra au poing au cœur des bidonvilles moites et poisseux, de la pauvreté, de la religion, des violentes inégalités de classes, des call centers au service des lointains
occidentaux. Il ne cherche pas à modeler orgueilleusement la réalité à sa guise, mais en exacerbe la véracité par la fiction qu’il y fait se dérouler. On reconnaît là la patte du cinéaste, qui a
finalement toujours procédé de la sorte quel que soit le thème abordé. Comme il l’expliquait déjà dans son commentaire audio de Sunshine, il concentre son énergie non pas sur une
tentative aventureuse de réinventer la roue, mais sur un plaisir simple et communicatif de filmer – lui et son chef-op Anthony Dod Mantle se sont amusés comme des petits fous avec tout ce qu’ils
ont pu trouver comme filtres et objectifs, faisant ainsi coller l’énergie visuelle du film avec celle non moins débordante de ses protagonistes – et de donner corps à des personnages qui nous
émeuvent durablement. Il faut signaler une nouvelle fois le sens du casting du réalisateur, qui a trouvé en Dev Patel (18 ans), Freida Pinto (24 ans) et Madhur Mittal (22 ans) un trio
anglo-indo-indien jeune, quasi-débutant – Patel avait à son actif un rôle secondaire récurrent dans la série Skins – mais dont l’alchimie et le talent fonctionnent
dans toutes les circonstances, y compris les plus dramatiques. Même chose pour les enfants qui interprètent leurs alter-ego plus jeunes, et pour les seconds rôles : ils sont tous parfaits.
Pour toutes ces raisons, dans Slumdog millionnaire comme dans Sunshine par exemple, le genre auquel se rattache le film ne devient réellement évident que dans le
dernier acte, lorsque la partie est déjà gagnée pour Boyle par le biais de ses personnages. Contrairement à ce qu’il a pu faire par le passé, le cinéaste réussit ici incontestablement sa fin en
la scindant sur deux pistes parallèles. Le succès de Jamal sur la dernière question est habilement transformé en une revanche éclatante de tous les laissés pour compte du pays ; et son bonheur
sentimental, celle qui importe réellement pour lui, est traitée avec un romantisme devant lequel il est impossible de ne pas fondre. Comme quoi, on peut être heureux au jeu et en amour. Ou dit
autrement : les meilleurs feel good movies seront toujours les plus exaltés.