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- Hell driver, de Patrick Lussier (USA, 2011)
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A l’UGC Orient-Express, où le film est d’ors et déjà relégué dès sa 2è semaine d’exploitation
Quand ?
Mercredi après-midi
Avec qui ?
Seul
Et alors ?
Hell driver est une anomalie difforme, une verrue infectieuse sur ce corps hollywoodien qui se rêve parfait à coups de franchises exploitées jusqu’à la lie1, de scénarios retravaillés en fonction des calculs marketing, d’excès arasés afin d’être avalisés par la censure2. La machine à divertir les masses n’est toutefois pas infaillible, et il est possible de faire dérailler ses algorithmes de production. Nicolas Cage, ex-jeune premier estampillé « neveu de Francis Ford Coppola » (Rusty James, Peggy Sue s’est mariée), puis ex-star borderline (pêle-mêle : Sailor & Lula, Leaving Las Vegas, A tombeau ouvert, Lord of war), a semble-t-il construit sa troisième vie d’acteur autour de cette ambition. En 2007, sa filmographie a en effet effectué un virage aussi brutal qu’effarant en direction du cinéma bis. Les nanars Ghost rider et Next ont alors ouvert la voie, et n’étaient donc pas de fâcheuses mais oubliables erreurs de parcours. Depuis, Cage profite que son nom lui permette de monter des projets sur tout et n’importe quoi pour monter… n’importe quoi. Il est évident que chacun de ces films constitue pour lui un terrain d’éclate absolue alors tant que ça dure, pourquoi se priver.
A l’autre bout de la chaîne, du point de vue du spectateur, la teneur en navets est élevée (Prédictions, le remake de Bangkok dangerous, Le dernier des templiers) mais d’improbables perles sont aussi à sauver dans le lot : Bad lieutenant : escale à la Nouvelle-Orléans l’an dernier, Hell driver désormais. Pour le premier, le cheval de Troie employé pour donner vie au film était l’astuce-prétexte du remake. Pour le second, le ver était déjà dans le fruit. Patrick Lussier a prouvé sa qualité de bon petit soldat du système d’abord comme monteur de Wes Craven pendant dix ans, puis en mettant en scène Meurtres à la Saint-Valentin, un remake horrifique en 3D et rentable – le package complet, en somme. Voilà du coup Lussier en mesure de se lancer, avec la complicité de Cage, dans la réalisation d’un road-movie / film de vendetta individuelle / trip sataniste intégral… Hell driver agglomère quatre décennies de cinéma d’action américain déviant, du cadre sudiste aride et crasseux des années 70 aux effets spéciaux numériques des années 2000, en un ensemble assez mélangé pour ne pas rester divisé en phases distinctes mais suffisamment grossier pour qu’il reste des grumeaux. C’est un film tout sauf fignolé, qui choisit de conserver un aspect extérieur brut, malpropre et cabossé, en cohérence avec sa nature profonde, mauvaise : mauvais goût, mauvais esprit.
Avec son coscénariste Todd Farmer, Lussier a couché sur le papier les différentes scènes d’action telles qu’elles leur passaient par la tête, à l’instinct et sans se forcer à respecter la moindre contrainte personnelle ou externe. Puis Lussier les a filmées dans le même esprit d’évidence et d’immédiateté. Le seul dogme de cinéma auquel il fait allégeance est celui qui exhorte à ne penser qu’en termes de célérité, d’exultation, de transgression. Son Hell driver est un apôtre éloquent de ce credo, à force d’outrances répétées – gunfight tout en continuant à faire l’amour à une femme que l’on trimballe contre son gré à travers la pièce pour échapper aux balles qui sifflent, monstrueux pistolet estampillé « God-killer », délires liés à la secte sataniste, personnage occulte du Comptable, mi-magicien mi-agent Smith mi-envoyé des enfers, sans oublier l’indécence crasse et animale de l’ensemble des personnages. Tout cela s’enchaîne et se cumule sans un temps mort, un regard en arrière, un moment consacré à l’analyse ou à l’esthétique du film. Hell driver est un idéal de cinéma bis, qui fonctionne sur un plan purement physique sans aucune interférence intellectuelle. Il communique avec nos pulsions, pas notre réflexion. Et il ne fonctionnerait pas aussi bien sans ses acteurs à l’unisson. Emergeant de la troupe de gueules cabossées ou dégénérées de rednecks qui assurent la consistance du spectacle, William Fichtner et Amber Heard (All the boys love Mandy Lane) sont des seconds rôles solides, énergiques. Mais le roi de la fête est évidemment Nicolas Cage, impérial. Le rôle est du sur mesure, et Cage ne se prive pas pour en tirer parti, dévorant l’écran dans chaque scène, soufflant le chaud de la démence et le froid de l’inflexibilité.
1 cet article résume bien l’ampleur du phénomène pour la cuvée 2011 des blockbusters
2 cf. Sucker punch, raboté de 18 minutes pour obtenir une classification quasi tout public