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- « The record is spinning again… and we’re just not on the song we want to be on »
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J’aurais pu mettre en exergue de cet article une autre phrase à la même signification – « We’re not travelling through time anymore ? » -, mais elle a quand même sacrément
moins de gueule.
Tiens, on parle de voyage dans le temps ? Et oui, ça doit donc être de
Lost dont il s’agit. Séparés par un trou de deux semaines correspondant à la première pause dans la diffusion de la cinquième saison, les deux plus récents épisodes
Lafleur et Namaste complètent la tâche la plus titanesque à laquelle se sont attelés les scénaristes de la série, au même niveau que la gestion de la grève survenue au beau
milieu de la critique saison 4. Depuis le bouleversant climax de
This place is death, il convient en effet de solder les
comptes du chaos originel de cette nouvelle saison, et de réorienter les pas des protagonistes en direction de leur destin à venir jusqu’à la fin de la saison. 316 et The life and death of Jeremy Bentham s’étaient chargés de la première
étape, respectivement pour les Oceanic Six et John Locke ; Lafleur joue le même rôle pour le dernier groupe, celui de Sawyer, Juliet, Miles et Jin – Faraday est pour le moment
conservé en réserve de la République, en vue d’un final explosif. La phase d’ouverture sur les réjouissances à venir est effectuée dans Namaste, au risque, consenti, de sacrifier quelque
peu la capacité de l’épisode à exister par et pour lui-même.
Maintenant que ce diptyque Lafleur / Namaste est derrière nous, on ne peut que se rendre à l’évidence que le diptyque précédent, 316 / …Jeremy Bentham, fait
bien plus que clôturer les zones d’ombre des flash-forwards des Oceanic Six – il représente l’épilogue de Lost telle que nous la connaissions. Lafleur et Namaste
en sont la renaissance, sous une forme à la fois familière et inconnue. A seulement vingt-cinq épisodes de la conclusion de la série, le pari (annoncé par le récit par Ben à Jack de l’histoire de
l’apôtre Thomas dans 316) est juste dingue. Et pourtant, il faut bien croire ce que nos yeux voient : de la recréation de scènes séminales du show – un crash d’avion, l’organisation
en urgence de la microsociété des survivants, la découverte de l’île – à l’obligation faite aux héros d’intégrer pour la seconde fois un environnement entièrement neuf, c’est bien une nouvelle
série qui démarre lorsque Sawyer balance son énième « son of a b… », cette fois vêtu d’un uniforme Dharma. L’ironie de la chose étant que ces personnages se trouvent piégés à
rejouer des situations déjà traversées (la lutte de leadership Sawyer / Jack, l’enfermement d’un naufragé par un autre, le menace des Others, les vidéos d’orientation…) mais cette fois dans des
circonstances radicalement neuves – en deux mots, « 1977 » et « Dharma ». Les voilà acteurs de leur propre vie, non pas au sens d’acteurs-décideurs mais d’acteurs-comédiens,
interprétant le texte d’un scénariste et suivant les consignes d’un metteur en scène. Qui est ce scénariste, qui est ce metteur en scène ? Voilà la question-clé.
Une telle déflagration fondamentale s’accompagne forcément d’un recentrage appuyé sur les personnages. La pendaison de Locke dans …Jeremy Bentham et, sur le long terme, le
flash-forward consacré à Jack après son départ de l’île ouvraient la voie à ce qui va se jouer maintenant dans chaque minute de Lost, à savoir la santé mentale de chacun, et sa
capacité à assumer toutes les charges qui lui incombent d’un seul coup. Conscience des événements à venir (qui donne des saynètes hilarantes – Juliet se débarrassant vite du bébé qu’elle tient
dans ses bras quand elle apprend son identité – et d’autres tétanisantes – Faraday voyant la jeune Charlotte), conscience du mensonge à porter, conscience ineffaçable du drame intime de
chacun : tout ce que ces hommes et femmes ont construit au cours de leur existence, les personnes qu’ils aiment et les choses qui leur tiennent à cœur, semble bien leur être dorénavant et
pour toujours inaccessible. En apparence Lost est revenu à un état plus calme et stable. Mais en réalité il n’en est rien, la série n’ayant encore jamais charrié un tel flot
d’émotions et de tensions. Le principe du voyage dans le temps a été mis au service du récit, et non l’inverse. C’est très, très fort.
(c’est l’heure du paragraphe « conjectures »)
Puisqu’un bon épisode de Lost se jauge à ce que ses scènes a priori les plus anodines cachent, et que Namaste ne déroge pas à la règle, il est nécessaire de s’arrêter sur
deux bombes lâchées négligemment par les scénaristes dans les scènes se déroulant en 2007. La récitation en boucle des Nombres y est toujours diffusée, alors même qu’elle a été *en théorie*
désactivée par Rousseau dans la première saison. De même, les baraquements portent encore des traces de Dharma (écriteaux de bâtiments, photos de groupes), alors même que les Others ont *en
théorie* investi les lieux suite à la Purge, et n’ont aucune raison d’y avoir laissé un quelconque souvenir des anciens occupants. Sur ces deux points, le carton « Thirty years
earlier » est là pour confirmer que nous sommes bien en 1977 + 30 ans = 2007 ; c’est-à-dire *après* les événements vus dans les quatre premières saisons.
Il y a donc toutes les raisons de croire que ce qui s’est déroulé avant 2007, et même avant 2004 (l’année du crash inaugural du vol Oceanic 815) a été altéré, contrairement au credo
« whatever happened, happened » de Faraday. Jusqu’à présent, les actes des voyageurs dans le temps que nous avons vus étaient cohérents de ce que l’on savait : l’existence
d’Ethan, la non-explosion de Jughead, les entretiens
entre Richard et Locke, la scission entre Rousseau et son groupe. Peut-être les héros renvoyés en 1977 ont-ils réussi à détourner le cours des événements et en particulier à éviter la Purge ?
Mais même dans ce cas, l’état de désolation des lieux en 2007 prouve qu’un drame s’est produit après la date supposée de celle-ci… ou alors avant.